Depuis 2010, la rentabilité des Scotch Malt Whisky dépasse les 15% par an en moyenne selon le World Whisky Index. Investir dans le whisky apparaît comme une nouvelle tendance. Les amateurs de ce spiritueux sont de plus en plus nombreux à se constituer une épargne en misant sur la valeur de leurs bouteilles. Plus particulièrement en cette période de crise, le whisky alliant rareté et luxe fait figure d’actif résiliant, de quoi attirer les investisseurs. Placement sûr pour certains et arnaque potentielle pour d’autres, il est primordial d’en connaître les tenants et les aboutissants avant de se lancer dans cette activité.
Un investissement alternatif qui offre un bon rendement
Les marchés de niche constituent souvent une opportunité intéressante. Les variations soudaines et incontrôlables sont fortement réduites en raison du faible nombre d’acteurs sur le marché. La tangibilité de l’actif, son rendement basé sur son luxe et sa rareté, et sa capacité à évoluer hors des circuits financiers font du whisky un actif particulièrement protégé.
La demande est forte et excède l’offre sur le marché. En effet, il existe un grand nombre d’amateurs de whisky haut de gamme mais sa production est limitée, une bonne bouteille se conservant plusieurs années avant d’être mise sur le marché. Cet élément implique que certaines bouteilles atteignent de très hautes valeurs. Le 25 octobre dernier, lors d’une vente aux enchères de Sotheby’s qui a eu lieu à Londres, une bouteille de whisky écossais, le Macallan Fine et Rare 1926 de 60 ans d’âge, a été vendue pour 1,7 million d’euros. Le record précédent avait été établi par la même distillerie, la Macallan, vendu 1,4 million d’euros.
De plus, le marché du whisky prend de plus en plus d’ampleur dans certaines régions du monde comme en Amérique latine ou en Asie, où il est marqueur d’un certain statut social, un symbole de richesse et un instrument de pouvoir au même titre qu’une montre de luxe ou une voiture de sport par exemple. La première distillerie japonaise, nommée Yamazaki, est créée dans les années 1920 par la société Suntory. Suntory est élu quatre fois distillateur de l’année en 2010, 2012, 2013 et 2014 à l’International Spirits Challenge. Le whisky japonais est aujourd’hui le quatrième whisky le plus consommé au monde.
Enfin, la valeur des bons whiskies est globalement sur une pente ascendante depuis la dernière décennie. Depuis 2010, la rentabilité annuelle des Scotch Malt Whisky est de 15% en moyenne. L’Indice Whisky Apex 1000, créé par la compagnie Rare Whisky 101, s’est apprécié de plus de 550% ces neuf dernières années. Cet indice recense une collection de mille bouteilles, parmi les plus recherchées, de Single malt Scotch. Il reflète le changement de valeur de ces mille bouteilles tous les mois.
Entre le 25 février 2020 et le 25 août 2020, ce même indice a augmenté de près de 120 points, preuve que la crise du coronavirus n’a pas affecté négativement la valeur du Scotch Whisky.
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Comment faire pour investir ?
L’achat d’une bouteille de whisky se fait relativement aisément, le plus dur étant de trouver le bon investissement. Pour ce faire, il existe principalement deux possibilités. Premièrement, l’achat peut se faire par le biais d’un magasin de vin ou un revendeur de confiance. Ensuite, on trouve les ventes aux enchères, en réel ou en ligne. Whiskyauction.com s’impose comme le leader en Europe dans les enchères en ligne, le site propose gratuitement un guide de l’utilisateur afin de tout savoir sur l’achat et la vente du spiritueux, évalue les bouteilles ou encore fournit un glossaire renseignant les termes techniques. Autre site de ventes aux enchères de whisky, Catawiki.com propose plus de 300 bouteilles chaque semaine, dont de nombreuses raretés qui raviront les investisseurs, les collectionneurs et les connaisseurs. Il faut préférer les sites ayant déjà acquis une bonne réputation afin d’éviter l’acquisition de contrefaçon, risque majeur lorsqu’on achète une bouteille. Afin de pallier ce risque, chaque bouteille mise aux enchères sur le site de Catawiki est soumise au préalable à une évaluation par un expert, garantissant ainsi l’authenticité de la bouteille en vente.
Comment détermine-t-on la valeur d’une bouteille ?
Afin de reconnaître une bonne bouteille, il faut lire toutes les informations sur son étiquette, garantie de qualité, qui doit être parfaitement lisible. Dates de distillation et d’embouteillage, contenance, degré, type de barils utilisés pour le vieillissement, et même le numéro de lot renseignent sur la valeur du produit. Par exemple, un whisky issu d’une édition limitée gagnera en rareté au fil du temps et la valeur d’un whisky ancien progresse tout simplement parce qu’il cultive son aspect historique. Par exemple, la distillerie Macallan a produit un whisky « M » en seulement quatre exemplaires, et deux seulement ont été commercialisés. Grâce à sa rareté, une des deux bouteilles a pu être vendue à 323 000 euros lors d’une vente aux enchères.
Le renom de la bouteille est un critère important dans le choix d’investissement. Quelques marques historiques atteignent des prix élevés aux enchères : Macallan, Ardbeg, Bowmore, Highland Park, Balvenie ou encore Glenmorangie. Le scotch whisky, l’Irish whisky et les bourbons américains sont les whiskies les plus consommés au monde.
Cependant, des whiskies provenant d’une même distillerie peuvent avoir des prix très éloignés, en raison de leurs profils aromatiques différents, de leur ancienneté et du type de barriques utilisées. Pour illustrer ce propos, on peut trouver des bouteilles de Macallan à 60 euros, mais également à plus de 1 million d’euros.
Par ailleurs, outre l’aspect externe de la bouteille, il faut s’assurer de la qualité de son contenu. Les bouchons de whiskies ne sont pas aussi hermétiques que ceux des vins. Un phénomène d’évaporation se produit et libère de petites quantités d’alcool de la barrique, qu’on appelle la « part des anges ». On constate généralement une évaporation de l’ordre de 2% par an. Cette dernière est accentuée par les climats les plus chauds. Attention à ne pas acheter une bouteille avec un niveau d’évaporation anormalement bas ni déjà ouverte. Une fois le sceau brisé, elle connaît une diminution drastique de sa valeur. Pour assurer la qualité du liquide, placer la bouteille à la verticale et dans un endroit à l’abri du soleil et non humide, sans quoi le bouchon se dévisse petit à petit. Autre élément important, il est opportun de le conserver plusieurs décennies.
Existe-t-il des investisseurs professionnels ?
Outre les amateurs curieux et les collectionneurs, certains professionnels ont tenté l’expérience de l’investissement dans le whisky. Ces derniers sont souvent des fonds d’investissement, ayant des pouvoirs d’achat plus élevés que les particuliers. Par exemple, le fonds asiatique Platinum Whisky Investment Fund, créé en 2014, était le premier fonds d’investissement au monde spécialisé dans les whiskies, avec un rendement cible de 17%. La tendance est ainsi relativement récente. Avant sa fermeture en 2017, le fonds leva douze millions de dollars auprès d’une cinquantaine d’investisseurs. Ce montant a servi à l’achat de milliers de bouteilles, dans des enchères et des distilleries, qui ont été ensuite revendues à des clients privés, des hôtels et des bars.
Aujourd’hui, le seul fonds d’investissement régulé, spécialisé dans le whisky, s’appelle le Single Malt fund. Il a été créé en 2019 et est côté sur le Nordic Growth Market. Il s’adresse à des investisseurs expérimentés ayant une capacité d’investissement minimum de 100 000 euros. Le fonds cible particulièrement des gestionnaires de patrimoine britanniques. Les parts du fonds achetées prennent la forme d’obligations participatives et le fonds projette de récolter 25 millions d’euros, avec un rendement de 10% par an à chaque investisseur. De plus, chacun de ces derniers a l’opportunité d’acquérir les whiskies dans lesquels le fonds a investi avant qu’ils soient mis sur le marché public.
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Quels sont les dangers de cet investissement ?
Il n’existe pas de rendements élevés sans risques. Le principal danger de l’investissement dans le whisky est de connaître une arnaque. Particulièrement avec la crise actuelle du coronavirus, certains épargnants soucieux de trouver une valeur refuge ont été piégés par des plateformes Internet dédiées au « whisky d’investissement » qui désignent l’acquisition de bouteilles comme un placement « anti-crise ». Contrefaçons ou encore argent encaissé sans livraison de marchandises, il est nécessaire de se renseigner véritablement sur la sûreté du site avant tout achat. Le 19 mars 2020, l’Autorité des marchés financiers (AMF) avait déjà inscrit douze plateformes proposant d’investir dans le whisky sur sa liste noire. Avec l’accroissement des plaintes des épargnants, l’AMF rappelle qu’à ce jour, aucune offre d’investissement en whisky n’a obtenu du régulateur l’enregistrement préalable obligatoire avant toute commercialisation.
L’investissement dans le whisky apparaît comme une tendance intéressante, permettant d’allier rendement et plaisir pour les épargnants amateurs de ce spiritueux. Néanmoins, il est primordial d’en connaître les enjeux, et d’être conscient des risques auxquels on s’expose. Au moindre doute, se tourner vers un expert s’avère la meilleure solution, surtout lors des premiers pas dans cette activité.
Emma Pradissitto, étudiante à l’EDHEC Business School et contributrice du blog AlumnEye
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