Quel est le point commun entre la démission du CEO de ThyssenKrupp, la hausse brutale du cours de l’action SoftBank et la scission prochaine de Marathon Petroleum ? A première vue, aucun. Pourtant, tous ces évènements sont le fait d’une seule et même entité, Elliott Management, l’un des fonds activistes les plus virulents au monde. Se glissant furtivement au sein des conseils d’administration par des prises de participation minoritaires, ces fonds d’investissement sont à l’origine de multiples bouleversements pour les entreprises ciblées. Qui sont-ils, que cherchent-ils et quelles sont leurs stratégies ?
Objectifs et stratégies
Le principe est simple : prendre une participation généralement modeste dans une entreprise cotée jugée mal gérée, puis faire pression sur sa direction de façon publique et bruyante pour ainsi maximiser son rendement financier et boursier.
Ces opérations sont généralement le fait de hedge funds (fonds d’investissement qui se distinguent des fonds de private equity, les premiers recherchant un rendement absolu à court terme et privilégiant les actifs liquides, tandis que les seconds investissent à plus long terme, généralement 5 à 10 ans) qui décident d’agir en tant qu’actionnaires activistes. L’activisme actionnarial demeure une stratégie de niche, qui ne représente qu’environ 15% des stratégies utilisées par les hedge funds, à en croire Hedge Fund Research, mais qui a tendance à se généraliser parmi leurs pratiques.
Les fonds activistes sont régulièrement assimilés aux fonds vautours, il convient donc d’établir la distinction entre les deux. A la différence des premiers, les seconds achètent sur les marchés des titres de dette émis par des Etats en difficulté financière, puis exigent devant les tribunaux le remboursement de cette dette. C’est notamment ce qu’a fait Elliott Management au Pérou (1996), en Argentine (2001) ou encore en République Démocratique du Congo (2005). Même si Elliott a auparavant été présenté comme un fonds activiste, c’est le type d’activité de ces fonds d’investissement qui détermine leur caractérisation, notamment en fonds dit « activiste » ou bien « vautour ». Autrement dit, un même fonds d’investissement ou hedge fund pourra alternativement être désigné comme « fonds vautour » ou « fonds activiste » selon l’opération particulière dont il est question dans la discussion. La distinction est donc avant tout sémantique, reposant sur la classe d’actifs impliquée (les actions pour les fonds activistes, les obligations d’Etat pour les fonds vautours) et la stratégie employée.
Le déroulé habituel d’une campagne activiste tient en plusieurs étapes :
- Le fonds activiste réalise une analyse financière et stratégique détaillée de l’entreprise visée, mettant généralement en évidence une sous-valorisation, qui peut s’expliquer par des performances inférieures à celles de ses concurrents, des coûts excessifs ou une gouvernance inefficace.
- L’activiste investit dans la société, le plus souvent via l’achat direct d’actions en propre sur le marché, mais il peut également s’agir de produits dérivés tels que les equity swap ou les CFD (contract for difference).
- Dans un premier temps, l’actionnaire activiste entreprend une série de discussions discrètes et officieuses avec la direction du groupe visé, exposant les changements stratégiques qu’il juge nécessaires pour améliorer sa profitabilité (vente d’actifs, changement de gouvernance, versement de dividendes, rachats d’actions, etc.).
- Dans le cas où cette phase se révèle non concluante, une seconde étape s’ouvre, consistant à exposer publiquement ses revendications, dans l’optique d’obtenir l’écho médiatique le plus important possible. L’outil le plus répandu demeure la publication des lettres envoyées à la direction, mais il peut aussi s’agir d’une campagne sur les réseaux sociaux, de la création d’un site internet ou d’un communiqué de presse. De même, la société civile est souvent mise à contribution. Par exemple, en France, l’Association de Défense des Actionnaires Minoritaires (ADAM) peut-être mobilisée. Le fonds activiste a également intérêt à coaliser plusieurs autres actionnaires minoritaires (voire d’autres fonds activistes) afin de peser davantage au sein du conseil d’administration, auprès duquel il peut déposer des résolutions afférentes à la gouvernance d’entreprise (limogeage d’administrateurs, proposition de nouveaux directeurs, etc.).
- En dernier ressort, l’actionnaire activiste peut aller jusqu’à intenter une action en justice à l’encontre de l’entreprise visée, ce que n’a par exemple pas hésité à faire le fonds CIAM à l’encontre d’Altice et Euro Disney en 2017.
Ces campagnes activistes s’avèrent concluantes dans la majorité des cas, et peuvent fortement porter préjudice à la firme visée. En effet, une étude publiée en 2017 par McKinsey souligne qu’une telle campagne peut coûter entre 25 et 35 milliards de dollars à une entreprise, sans compter les risques de désorganisation managériale et de dégradation de sa réputation. En 2017, l’affrontement entre le Trian Fund de Nelson Peltz et Procter & Gamble (soldé par la nomination de ce dernier au conseil d’administration) aura coûté plus de $60 millions aux deux camps au total.
La pratique de l’activisme actionnarial est apparue dans les années 1980, mais s’est largement développée depuis la crise de 2008. La pratique des fonds s’éloigne de celles traditionnellement utilisées par les hedge funds et fonds de private equity dans la mesure où ces investisseurs ne s’appuient plus seulement sur le levier de la dette pour produire un rendement (principe du LBO, leveraged buyout), mais se conçoivent désormais comme des investisseurs bien plus interventionnistes (et avec une vision à plus long terme) dans la conduite opérationnelle des entreprises ciblées, d’où des conflits de plus en plus récurrents avec leurs dirigeants. D’ailleurs, la pratique consistant à pousser les entreprises à s’endetter pour espérer obtenir un effet de leverage connaît actuellement une baisse de régime, dans un contexte où la corporate debt atteint déjà des niveaux records : le ratio de dette/EBITDA des groupes du S&P 500 aux Etats-Unis atteignait 1,8 fin 2019, son niveau le plus haut depuis 2003. C’est pourquoi les actionnaires activistes se reportent sur d’autres pratiques.
Selon Lazard, près de 60% des fonds engagés dans des campagnes activistes en 2019 l’ont été pour promouvoir des opérations de fusions-acquisitions. Par exemple, Elliott a fait pression (sans succès) sur Capgemini l’an dernier pour que le groupe améliore son offre sur Altran. La multiplication des opérations de M&A tient aussi à l’aide extérieure reçue par les fonds, qui trouvent des alliées de taille en la personne des banques d’investissement, à commencer par le trio de tête (en nombre de deals) pour les opérations de M&A dans le monde en 2019 : Goldman Sachs, JP Morgan et Morgan Stanley. Ces dernières voient en effet d’un bon œil la perspective de scissions d’actifs, puisqu’elle implique pour elles la facturation de frais aux entreprises qui en font l’objet. Aussi, il n’est pas rare de voir ces banques intervenir auprès des fonds activistes pour souligner l’existence de branches « sous-performantes » au sein des groupes, qui mériteraient selon elles d’être vendues. Dans un contexte où la difficulté à battre les hauts rendements offerts par les fonds indiciels (ETF) est plus forte que jamais, les hedge funds activistes sont désormais très ouverts à ce type de discussions.
Enfin, notons que la révélation publique de la prise de participation d’un fonds activiste dans une entreprise est généralement la source d’un sursaut boursier, c’est pourquoi les activistes cherchent à ménager au maximum leur effet de surprise jusqu’au moment qu’ils jugent opportun, en investissant de la façon la plus discrète possible. Ceci explique en partie les faibles participations en jeu, généralement moins de 5% du capital de l’entreprise, les exigences de transparence étant plus importantes au-delà de ce seuil. Aux Etats-Unis, par exemple, toute personne ou entité qui décide d’acquérir plus de 5% des actions d’une entreprise cotée doit le déclarer formellement à la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme boursier américain, via le formulaire 13D.
A ce jour, les fonds activistes gèrent au total plus de $125 milliards d’actifs, contre moins de $50 milliards il y a 10 ans. Au niveau mondial, Elliott Management reste le fonds le plus actif, suivi par Icahn Partners, puis Third Point. En 2018, 922 entreprises ont fait l’objet de campagnes activistes au niveau mondial.
Lire aussi : Les fonds activistes : des hedge funds cousins des fonds vautours
Une pratique historiquement répandue aux Etats-Unis
Si certains économistes font remonter son origine au début du XVIIe siècle (avec Isaac Le Maire, actionnaire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales qui avait cherché à rompre le monopole de la Compagnie sur le commerce maritime mondial), l’activisme actionnarial dans sa forme moderne est né aux Etats-Unis dans les années 1980, avec des investisseurs célèbres tels que Paul Singer (Elliott Management, 1977), Carl Icahn (Icahn Partners, 1987), Dan Loeb (Third Point Management, 1995), David Einhorn (Greenlight Capital, 1996) ou encore Bill Ackman (Pershing Square Capital, 2004).
Aussi, la présence et l’action de fonds activistes au sein des conseils d’administration des entreprises américaines relève désormais davantage de la règle que de l’exception. L’activisme particulièrement efficace d’Elliott Management l’illustre régulièrement. En septembre 2019, le CEO de eBay Devin Wenig annonce sa démission, affirmant « ne plus être sur la même longueur d’onde que son conseil d’administration », et ce après que Elliott et un autre fonds, Starboard Value, ont sévèrement critiqué les performances de l’entreprise. Le même mois, prise pour cible à travers une lettre de 23 pages publiée par Elliott, AT&T (première société de télécommunications mondiale) se voit reprocher ses lourdes acquisitions récentes (DirecTV en 2015, Time Warner en 2018) qui pèsent sur sa profitabilité. Fin octobre, l’entreprise annonce avoir trouvé un accord avec le fonds de Paul Singer : AT&T s’engage à mettre en place des plans de rachats d’actions et à limiter le nombre ainsi que l’ampleur de ses acquisitions dans un futur proche, afin de se concentrer sur l’amélioration de ses marges.
Si la presse spécialisée met avant tout l’accent sur les grandes entreprises faisant l’objet de campagnes activistes, il convient de se méfier de l’effet de loupe, car les plus visées sont en réalité les small-caps (dont la capitalisation boursière se situe entre $100 et $500 millions), qui concernent 43% des campagnes entre août 2018 et août 2019, suivies par les mid-caps ($1-10 milliards) à hauteur de 34%. Les large-caps (> $10 milliards), quant à elles, ne représentent que 10% des campagnes activistes aux Etats-Unis.
Au cours des 5 dernières années, le nombre de campagnes menées par des fonds activistes outre-Atlantique demeure stable, avec 272 campagnes en moyenne par an. L’an dernier, ces dernières ont notamment eu pour résultat l’obtention de 76 sièges en conseil d’administration, soit une augmentation de 35% par rapport à 2017.
Europe et Asie : les nouveaux terrains de jeu
Si le nombre de campagnes aux Etats-Unis reste stable, leur part dans le nombre total de campagnes lancées à l’échelle mondiale diminue et compte pour moins de 50% d’entre elles depuis 2017, contre plus de 75% il y a dix ans. Cet affaiblissement relatif du marché américain souligne l’attrait nouveau de ces fonds pour les entreprises européennes et asiatiques ; la taille des entreprises ciblées y est en moyenne plus importante qu’aux Etats-Unis. Ces campagnes hors-Etats-Unis sont majoritairement (environ 70%) le fait de fonds américains en quête de nouveaux marchés mais pas seulement, puisque, notamment en Europe, plusieurs fonds locaux parviennent à tirer leur épingle du jeu.
En effet, des fonds comme le français CIAM font largement parler d’eux, notamment en 2019 lorsque ce dernier réclame la tête (ou plutôt le siège d’administrateur) de Denis Kessler, CEO de Scor – le 4e réassureur mondial – sans toutefois l’obtenir. De même, en s’attaquant au finlandais Nordea – plus grand groupe bancaire d’Europe du nord – fin 2018 avec une participation de 2,3%, le fonds suédois Cevian Capital confirme son statut de premier fonds activiste européen (avec plus de 15 milliards d’euros d’actifs sous gestion).
L’Europe constitue un marché intéressant pour les fonds activistes, qui y trouvent stabilité politique et dynamisme économique depuis la reprise post-crise. En outre, les conseils d’administration des entreprises européennes sont moins bien armés contre les campagnes activistes que leurs homologues américains qui, eux, ont pris l’habitude de recourir aux services de cabinets de conseil experts des techniques de déstabilisation utilisées par ces fonds. L’Europe constitue donc une cible de choix.
Si l’intérêt pour l’Europe date de quelques années déjà, l’attrait pour les entreprises françaises est, lui, relativement récent. Selon Franck Tuil, gérant de portefeuille chez Elliott Management à Londres, l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 a entraîné la création d’un environnement plus attractif pour les actionnaires activistes, avec les plans de privatisation qui marquent un désengagement de l’Etat et l’affaiblissement du paradigme capitaliste français traditionnel, qui voulait que le capital des entreprises soit regroupé entre les mains d’un petit nombre d’actionnaires. Cette nouvelle tendance à la fragmentation du capital est propice à la montée en puissance de ces fonds au capital des entreprises tricolores. Un exemple récent est la prise de participation de 2,5% dans Pernod Ricard en novembre 2018 par Elliott qui, depuis, n’a eu de cesse de faire pression sur le leader français des spiritueux pour qu’il aligne ses marges sur celles de son concurrent britannique Diageo.
En 2018, le nombre de campagnes activistes a bondi de 20% en Asie, qui a pour la première fois dépassé l’Europe (hors Royaume-Uni) avec 111 entreprises ciblées, contre 37 en 2013 et 10 en 2011. Parmi elles, 42% étaient japonaises, 20% chinoises (incluant Hong Kong). Au total, c’est 56 sièges de conseils d’administration qui ont été gagnés en Asie au terme de campagnes activistes.
En raison du lien extrêmement fort existant en Chine continentale entre la gouvernance d’entreprise et le parti communiste, les fonds activistes étrangers, notamment américains, ont jusqu’ici été plutôt réticents à attaquer frontalement les dirigeants de ces entreprises, par peur de représailles de la part de l’Etat chinois, et se sont surtout limités aux entreprises installées à Hong Kong. Cependant, l’ouverture du marché onshore des capitaux chinois (en particulier celui des actions) aux investisseurs étrangers annoncée pour 2020 pourrait changer la donne.
A l’évidence, le succès croissant des fonds activistes va de pair avec un rejet des structures d’entreprise complexes et parfois détenues par de puissantes familles (modèle encore très répandu en Asie) de la part de plus en plus d’actionnaires. Ce phénomène est illustré par la virulence de ces fonds au Japon, qui constitue leur première cible hors des Etats-Unis. En effet, le Japon est caractérisé par le modèle tentaculaire du keiretsu (forme de conglomérat géant lié par un système complexe de participations croisées entre un grand nombre d’entreprises) qui, bien que déclinant, reste dominant et constitue donc une cible de choix pour des fonds qui prônent une meilleure lisibilité organisationnelle en matière de gouvernance d’entreprise. On retrouve un équivalent aux keiretsu en Corée du Sud à travers les chaebols, à l’instar de Hyundai, qui a fait l’objet au printemps 2018 d’une campagne activiste de la part d’Elliott (3% du capital), qui n’est cependant pas parvenu à ses fins, un échec qui rappelle celui infligé au fonds de Paul Singer par Samsung en 2015. Quoi qu’il en soit, l’entrée tonitruante d’un fonds activiste majeur au capital de grands groupes, notamment asiatiques, est toujours source de remous sur les marchés, comme lors de l’annonce faite par le Wall Street Journal de celle d’Elliott au capital de la société technologique japonaise SoftBank le 6 février 2020, à hauteur de 3%, pour un montant de plus de $2,5 milliards. Les conséquences ne se sont pas faites attendre, avec une hausse brutale de plus de 7% du cours du titre de l’entreprise durant l’heure suivante.
Ainsi, les mêmes raisons qui, historiquement, étaient susceptibles de dissuader les investisseurs internationaux d’entrer au capital d’entreprises asiatiques (notamment le manque de transparence, le népotisme et les scandales de corruption à répétition) constituent aujourd’hui d’importants leviers de création de valeur pour les fonds activistes, d’après un rapport publié par JP Morgan en mai 2018. Selon la banque américaine, le développement massif de cet activisme en Asie correspond à une maturation des marchés de capitaux asiatiques.
Lire aussi : Le guide des stratégies d’investissement des hedge funds
Des campagnes dans l’intérêt d’une meilleure gouvernance d’entreprise ?
Les actionnaires activistes s’attaquent aux structures d’entreprise complexes et posent donc la question de la gouvernance d’entreprise. Cette manière de fonctionner est propre à ce type de fonds et les différencie donc des autres hedge funds. A l’évidence, leur émergence ne doit rien au hasard et s’inscrit dans un contexte particulier, celui de l’affaiblissement des managers au profit des actionnaires.
En effet, après un milieu de XXe siècle marqué par ce que James Burnham nommait la « révolution managériale » dans son ouvrage de 1941, analyse prolongée par John Kenneth Galbraith sous le terme de « technostructure » en 1967, la gouvernance d’entreprise dans les Etats occidentaux bascule à partir des années 1980 dans un rapport de force qui redonne pleinement le pouvoir aux détenteurs du capital, les actionnaires. L’émergence des fonds activistes s’inscrit pleinement dans ce changement de paradigme et illustre une volonté de contourner les défis de la gouvernance d’entreprise regroupés conceptuellement sous le terme de « problème principal-agent » : limiter les asymétries d’information qui désavantagent naturellement les actionnaires vis-à-vis des managers, ainsi que le risque d’aléa moral de la part de ces derniers dans la gestion quotidienne de l’entreprise.
Justement, au cours des cinq premiers mois de l’année 2019, 627 CEO d’entreprises américaines ont annoncé leur démission, un record depuis 17 ans. D’après le cabinet Exechange, 52% de ces départs ne seraient pas volontaires et découleraient de pressions des actionnaires ou du conseil d’administration. A en croire un article de recherche publié dans la Harvard Business Review en 2013, cet important mouvement de rotation chez les top executives est une bonne nouvelle. En effet, selon les auteurs, plus un CEO demeure longtemps à son poste, plus les performances de l’entreprise ont tendance à s’éroder, selon une loi de rendements décroissants qui s’expliquerait par l’installation progressive d’une politique plus prudente qu’ambitieuse chez les dirigeants à forte longévité. Si l’on attribue une partie de ces départs à la pression stratégique exercée par les fonds activistes, on peut leur concéder la vertu d’œuvrer en faveur du maintien d’une gouvernance d’entreprise dynamique et soucieuse des performances à long terme.
Toutefois, les critiques émises contre les fonds activistes sont, par ailleurs, nombreuses. Ils auraient une vision trop court-termiste, seraient concentrés sur leur propre intérêt uniquement, seraient incompétents pour valoriser les entreprises ciblées de façon exhaustive. Enfin, il convient de noter que le retour sur investissement des actionnaires n’est pas toujours un indicateur pertinent de bonne santé financière de l’entreprise. Il peut donc parfois exister une distorsion entre les stratégies des fonds activistes et l’intérêt des actionnaires à long terme (une firme durablement profitable).
Aussi, face aux stratégies parfois agressives des fonds activistes, de multiples oppositions ainsi que de nombreuses questions émergent, de la part des représentants des entreprises et du patronat, des législateurs et des autorités de régulation. Dans un rapport publié en janvier 2020, Paris Europlace (le lobby des entreprises et acteurs de la place financière de Paris) réclame davantage de transparence dans l’activité des actionnaires activistes, ainsi que la mise en place de restrictions à la communication de ces fonds. Du côté des régulateurs, l’heure est à la circonspection. Lors de ses vœux à la presse début janvier, le président de l’AMF (Autorité des marchés financiers), Robert Ophèle, a affirmé que les fonds activistes constituent un sujet de préoccupation majeur pour l’Autorité : « Je tiens à redire ici toute l’attention que porte l’AMF au bon fonctionnement des marchés auquel l’activisme peut contribuer mais qu’il peut également perturber dans certains cas ». Au-delà des paroles, l’Autorité a confirmé le 7 février 2020 cette volonté de sévir face aux abus des fonds activistes en annonçant requérir une amende record de 20 millions d’euros à l’encontre d’Elliott, dans une affaire d’abus de marché remontant à 2015.
Ainsi, si les fonds activistes permettent à coup sûr d’identifier les vulnérabilités propres aux entreprises qu’ils visent et se veulent être à l’origine d’une création de valeur, reste à savoir qui s’approprie cette dernière in fine et par quels moyens…
Nathanaël Zobel-Pantalacci, étudiant à Grenoble Ecole de Management et contributeur du blog AlumnEye
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