« Goldman Sachs est la référence absolue de la profession » expliquait W. Cohan, ancien banquier d’affaires chez Lazard, Merrill Lynch et JPMorgan, aux journalistes d’Arte Jérôme Fritel et Marc Roche. Ce dernier, journaliste au Monde, déjà auteur d’un ouvrage sur Goldman Sachs, a co-signé en 2012 un reportage sur la politique appliquée par la banque d’affaires américaine, intitulé « Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde ». Dans ce documentaire fréquemment critiqué pour son manque d’impartialité, le journaliste rappelle quelques chiffres essentiels à la compréhension de l’activité de « La Firme » : près de 35 000 employés dans le monde, 780 milliards de dollars de fonds propres, 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 3000 opérations de fusions-acquisitions conseillées en 10 ans pour un montant de plus de 6 000 milliards de dollars. Mais au-delà des fantasmes et de ces montants symboles de la puissance de frappe de cette institution, qu’est-ce qui caractérise véritablement Goldman Sachs ?

 

Une histoire de passion et de prestige

Depuis sa fondation en 1857, la firme s’est construite autour de figures emblématiques qui ont marqué son histoire et celle de l’économie. D’abord entreprise familiale, ce qu’elle restera jusqu’en 1930, la banque a débuté ses activités dans le financement d’exportations, puis s’est diversifiée au cours des décennies. C’est en 1906 que Goldman Sachs signe la première IPO de son histoire, en accompagnant la société Sears, aujourd’hui troisième acteur de la grande distribution aux Etats-Unis. Cette opération permettra à Goldman Sachs de s’imposer sur ce marché, et d’en devenir une référence, à tel point qu’elle participera très largement à la rédaction des premières réglementations encadrant les introductions en bourse.

220px-Marcus_GoldmanLe fondateur, Marcus Goldman, son fils Henry et son gendre Samuel Sachs, sont en effet très proches des dirigeants américains, devenant conseillers du président Wilson, et le guidant lors de la création de la Federal Reserve en 1913. Cette proximité avec l’élite politique est devenue l’une des forces de la banque, à l’instar de Sydney Weinberg, CEO de 1930 à 1969, et proche de Franklin Roosevelt. Celui que la presse surnommait « Mr. Wall Street » est une des figures les plus emblématiques du rêve américain, puisqu’il trafiquait des tickets d’accès aux guichets de banques au moment de la panique bancaire, avant de diriger l’activité trading d’une des plus grandes institutions de New York.

Les exemples de liens étroits tissés entre la banque d’affaires et les gouvernements occidentaux sont pléthoriques, et ont rythmé son histoire. Robert Rubin en a quitté la direction en 1995 pour occuper le poste de secrétaire au trésor de Bill Clinton, comme Hank Paulson le fera en 2006 pour devenir secrétaire au trésor de Georges W. Bush, après avoir mené l’IPO de Goldman Sachs en 2000. De même, Mario Draghi, président de la BCE depuis 2011, Mario Monti, Commissaire européen à la concurrence entre 1999 et 2004, puis chef du gouvernement italien en 2011, ont travaillé dans les rangs de la prestigieuse institution.

 

Le temple de l’excellence et du progrès

L’histoire de Goldman Sachs est aussi marquée par de très nombreuses innovations, qui ont révolutionné le monde de la finance, faisant avancer l’industrie et le commerce. Dans ses quatre métiers historiques (Investment Banking, Institutional Client Services, Investing & Lending et Investment Management), la banque excelle et s’impose en tant que pionnière incontestée.

Au cours des presque quarante années passées à la tête de l’institution, Weinberg se fera le porte-étendard de cette incroyable adaptabilité de la banque.

downloadIl le fera d’abord en réaffirmant sa prédominance naturelle sur le segment de l’Investment Banking, notamment avec l’IPO historique de Ford en 1956, puis en créant les départements d’Equity Research et de Debt Capital Market. Autre innovation majeure apportée par Goldman Sachs au monde de la finance, la stratégie du chevalier blanc, visant à contrer une offensive hostile par l’appel à une offre concurrente, a été imaginée en 1974. Ce sont ces intuitions qui sont à l’origine du succès de Goldman Sachs, et qui lui permettront par la suite d’être la banque de référence pour des opérations historiques telles que l’introduction en bourse de Microsoft en 1986, l’acquisition de Mannesmann AG par Vodafone en 1998 pour 181 milliards de dollars, ou celle de BHP Billiton par Rio Tinto en 2008 pour 130 milliards de dollars.

Dans sa division Trading & Principal Investments, organisée en quatre branches (Fixed Income, Currency & Commodities, Equity et Principal Investment), Goldman Sachs a également rythmé l’histoire par sa vision. Parmi ses coups d’éclats figure par exemple sur le segment du négoce de matières premières, l’acquisition en 1981 de J.Aron & Co, puis la création 13 ans plus tard du Goldman Sachs Commodity Index, aujourd’hui indice de référence sur le marché des Commodities.

 

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Une firme à la culture bien particulière

Mais cet imparable succès repose, plus encore que sur des leaders charismatiques et visionnaires, sur une culture d’entreprise profondément ancrée dans l’esprit des 35 000 employés de la firme. Selon Steve Bannon, ancien banquier d’affaire en TMT à New York, cité dans le documentaire de Marc Roche, « Goldman Sachs représente l’excellence et la méritocratie, peu importe d’où vous venez, de quelle école vous sortez, quelle est votre religion ou votre origine, ce qui compte c’est votre capacité de travail, votre intelligence et votre sens du service. » Et Richard Silla, professeur de finance à Stern BS d’ajouter : « Goldman Sachs fonctionne comme une université, qui forme par promotions les meilleurs banquiers d’affaires de leurs générations. » À l’image de Gregg Lemkau, entré chez Goldman Sachs il y a 24 ans en tant qu’analyste, et aujourd’hui Global Head de la division M&A, de nombreux seniors de la banque y ont mené l’ensemble de leur carrière. Ce phénomène est favorisé par l’ascension rapide en interne, Goldman Sachs étant la banque dans laquelle les MD sont les plus jeunes.

LA4Lire aussi : Les conseils de Goldman Sachs à ses nouveaux entrants en M&A et S&T

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Fier d’avoir généré 1 600 milliards de dollars de deals en 2015, Lemkau n’en oublie pas pour autant que le travail et la persévérance ont été les uniques clés de son succès. Après avoir travaillé dans deux groupes d’industries différentes (TMT et Healthcare), sur quatre bureaux successivement (New York, Los Angeles, San Francisco et Londres), celui qui n’a jamais quitté la banque depuis ses débuts affirme que la crainte du changement est le pire frein pour évoluer professionnellement. Pour expliquer son attachement à la firme, il évoque les défis permanents qui lui ont été proposés, et l’intelligence, le professionnalisme et la générosité de ses collaborateurs. Lemkau porte les valeurs de Goldman Sachs : l’esprit d’équipe et le sens du service client.

 

Un dirigeant d’exception

Dernière figure représentative de cette histoire du succès, son actuel CEO Lloyd Blankfein est certainement l’incarnation la plus complète du modèle Goldman Sachs. Enfant du Bronx, juriste de formation, il dit chaque année au cours de la conférence annuelle donnée aux étudiants en Summer au sein de la banque n’avoir jamais souhaité intégrer Goldman. Pourtant, son parcours démontre une ténacité sans égale, un don pour la finance, un talent rare de leader et de communicant.

Pur produit de la division Commodities de la banque, qu’il a rejointe en 1982 à la faveur de l’acquisition de son précédent employeur, il en a pris la tête en 2006. Alors très proche du Secrétaire d’Etat au Trésor Paulson, ancien dirigeant de la firme, Blankfein a pu la maintenir à flot grâce à l’aide de l’Etat américain, et a su redresser la barre après l’éclatement de la crise financière. Aujourd’hui encore, bien que largement critiqué, il est une des personnalités les plus influentes de Wall Street, et le seul dirigeant de banque américaine à avoir conservé son poste. Lloyd_Blankfein_2535110bIl est également engagé politiquement, puisqu’il a été porte-parole de la Campagne pour les Droits de l’Homme en 2012, et a officiellement soutenu Hillary Clinton la même année.

LA4Lire aussi : Goldman Sachs Summer Internship : conseils de Lloyd Blankfein

 

En conclusion, et pour rétablir la véritable image de Goldman Sachs, malgré les très nombreuses critiques qui lui ont été adressées, elle reste l’institution de référence dans toutes les sphères de la finance mondiale, et a profondément marqué l’histoire par sa capacité à se réinventer et à innover en permanence. Comme l’écrit Lisa Endlich dans son ouvrage Goldman Sachs, the culture of success : « La firme a bâti son succès sur trois piliers solides : son leadership, ses employés et sa culture. Goldman Sachs a été dirigée par des hommes dotés d’une vision et d’un niveau de compétence extraordinaires. Chacun d’eux a su imprégner la firme de sa propre vision du monde, en totale cohérence avec l’évolution du temps. Et que l’on échange avec des partenaires, des concurrents, des anciens employés ou des clients, la conclusion reste la même : Goldman ne recrute que les meilleurs talents dans l’industrie, à la recherche des recrues les plus brillantes et les plus ambitieuses pour coller à sa culture la plus profonde. Cette culture, largement diffusée au sein de l’industrie bancaire, a été la racine du succès de la firme, et demeure unique. » 

 

Anatole Lizee, étudiant à l’ESCP Europe et contributeur du blog AlumnEye