Le mercredi 10 janvier, AlumnEye était à la House of Finance de l’Université Paris-Dauphine pour un discours du banquier Grégoire Chertok intitulé « Retour sur 25 ans de banque d’affaires sur le marché français ». Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y assister, voici le compte-rendu de la soirée.

Tout d’abord, qui est Grégoire Chertok ?
Grégoire Chertok, associé-gérant de Rothschild & Co, est l’un des plus grands banquiers d’affaires en France, une véritable référence du M&A. En 2013, il fut classé meilleur banquier français avec près de 15 Mds €  de deals signés. Promu associé-gérant à l’âge de 33 ans, le seul à avoir battu son record de précocité est Emmanuel Macron.

 

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Qu’est-ce qu’un banquier d’affaires

 Un banquier d’affaires comme Grégoire Chertok n’est pas habilité à prendre les décisions lui-même pour une entreprise, il a en revanche une forte influence sur les choix des vrais décisionnaires. Il est « un intermédiaire entre acheteur et vendeur » qui conseille ses clients sur leurs décisions sans y intervenir directement.
Il existe deux grandes approches dans ce métier : l’approche execution c’est-à-dire les activités de suivi du bon déroulement des opérations M&A, ainsi que l’approche advisory qui s’applique à toutes les activités de conseil personnalisé réalisées face aux clients.

En premier lieu, le banquier d’affaires aide à répondre aux questions de financement d’un projet. Quelle croissance souhaite réaliser le client ? Quelles opérations devrait-il envisager pour atteindre la rentabilité exigée ? Mais le métier de banquier d’affaires entoure aussi « l’évaluation du projet d’une perspective autre que financière » : dans un monde où la question de gouvernance d’entreprise devient de plus en plus importante, le banquier doit aussi poser des questions éthiques sur un projet.

 

On ne naît pas banquier, on le devient

Afin d’atteindre un haut niveau de maîtrise de ce métier, un banquier d’affaires passe par trois phases d’apprentissage et de développement pendant sa carrière :

  • 1ère phase : l’apprentissage des techniques

Le banquier n’est pas spécialiste d’un domaine en particulier mais le « chef d’orchestre ». Il doit avoir des connaissances suffisantes en finance, bien entendu, mais également en fiscalité, en droit boursier et en droit des sociétés. La polyvalence assure l’aptitude de voir la situation dans son ensemble afin de prendre des décisions raisonnées et fondées.

 

  • 2ème phase : l’apprentissage de la négociation

En M&A, il est très rare que le vendeur et l’acheteur trouvent un terrain d’entente sur l’ensemble des éléments d’une transaction. Le banquier doit donc avoir à la fois un appétit pour la négociation mais aussi savoir se limiter afin de pouvoir conseiller son client s’il estime qu’une transaction devient insensée. Une acquisition représente une forte rupture en comparaison avec la gestion quotidienne d’une entreprise. Si une opération est ratée, cela peut entraîner de graves conséquences pour les 2 entreprises concernées.

 

  • 3ème phase : le développement de la relation client

Grégoire Chertok accompagne certains de ses clients depuis plus de vingt ans. C’est ici que l’on parlera de l’approche advisory du métier. Seuls des conseils personnalisés, sur le long terme, permettent d’instaurer un tel niveau de confiance entre le banquier et le client. Il ne faut jamais transiger sur des questions d’éthique et de confidentialité afin de développer les meilleures relations possibles. Le développement de ces relations est la phase la plus passionnante du métier de banquier d’affaires car, selon lui, « on entre dans le cœur des hommes ».

Comment se fait l’apprentissage de ces deux dernières phases ? Par curiosité : il faut se développer par des lectures et des rencontres en dehors de son job pour cultiver l’aspect humain du métier.

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Un métier cyclique

Le métier de banquier d’affaires est tout sauf monotone. La nature cyclique naît de sa dépendance à l’actualité des marchés et des niveaux des indicateurs macroéconomiques, comme les taux d’intérêt. Ce métier n’est pas vraiment synchronisé avec les cycles économiques mais souvent en avance par rapport à ces derniers : les transactions s’arrêtent en avance et reprennent en avance.

Alors que le début des années quatre-vingt fut marqué par une forte activité pour les banques d’affaires, grâce à la vague de libéralisation et de financiarisation de l’économie, la fin de la décennie fut plus difficile (jusqu’au début des années quatre-vingt-dix). Par la suite, la multitude de surendettements – suite à la crise de subprimes, la crise de Lehman et la crise des dettes souveraines – marque la période de 2008 à fin 2013 comme une période atone. La phase actuelle, en revanche, se caractérise par une très forte activité soutenue par des taux d’intérêts bas stimulant la consommation des ménages, et la révolution numérique touchant quasiment tous les secteurs. Grégoire Chertok se déclare optimiste sur la poursuite de ce cycle. Toutefois, il admet qu’un certain nombre d’incertitudes géopolitiques, dont personne ne peut prévoir encore les conséquences, représente un risque pour le futur.

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Un métier pour l’avenir ?

Le discours approche de sa fin et Grégoire Chertok partage quelques tendances et perspectives avec l’audience, comme par exemple la sophistication des financements, ou le changement de rythme sur les marchés. Notre période est marquée par toujours plus de financements avec une grande diversité d’intermédiation, et des marchés de plus en plus dictés par le court terme. Grégoire Chertok ne partage pas cette vision, étant lui un partisan du capitalisme familial : gérer les entreprises sur le long terme afin de pouvoir les transmettre à la génération d’après. Cette vision s’applique en particulier aux banques d’affaires, car leur plus grande force reste leur réputation sur le long terme. Sur chaque transaction, une banque d’affaires met sa réputation en jeu. C’est cet esprit de longévité qui anime Grégoire Chertok, lui qui n’a jamais voulu quitter Rothschild, même lorsque plusieurs opportunités se présentaient à lui.

Cela ne veut pas dire qu’être banquier d’affaires est un métier passif. Il faut au contraire toujours savoir s’adapter, comme avec le Brexit. A ce sujet, Grégoire Chertok se réserve de tirer des conclusions hâtives sur les conséquences du Brexit mais il pense malgré tout que l’économie britannique va souffrir. Des relocalisations de back offices sont à prévoir, mais il ne pense pas que ces changements impacteront plus que cela le M&A.

Grégoire Chertok reste en revanche réfractaire à un sujet majeur de l’actualité : les nouvelles technologies qui bouleversent le secteur financier, comme par exemple la blockchain ou l’intelligence artificielle. Il ne se voit pas d’ailleurs menacé par cette dernière car pour lui, le conseil possède une dimension fondamentalement humaine et marquée par l’intuition et la compréhension des émotions. L’AI pourra éventuellement répliquer ce savoir-faire et savoir-être, « mais (il) ne pense pas que ça soit pour demain ». D’autres métiers de la banque souffriront avant la banque d’affaires.

 

Et vous, ça vous tente ?

Plusieurs raisons peuvent motiver votre choix de démarrer en finance. Pour Grégoire Chertok, la raison principale fut de s’éloigner du métier de son père (psychiatre). Selon lui, l’argent ne peut pas être le moteur d’une carrière en finance, mais plutôt l’intérêt pour le monde de l’entreprise. « La finance est vertueuse si elle se met au service des entreprises et c’est là qu’elle devient intéressante. »

 

Kirsti Maiwald, étudiante à Warwick Business School