« Depuis une dizaine d’années, les plus grandes banques internationales sont impliquées dans de multiples scandales. Un nom incarne les excès de cette finance hors la loi : HSBC ». Après Goldman Sachs, Arte, dans son documentaire « les gangsters de la finance », passe au crible HSBC, la banque sino-britannique. Au cœur des controverses, elle est l’une des banques les plus puissantes au monde et attire toujours de nombreux étudiants en quête d’une carrière ambitieuse en finance.
La banque HSBC (Hong Kong & Shanghai Banking Corporation) dont le siège se situe à Canary Wharf, à Londres, est devenue une puissance incontournable du secteur financier. Quelle stratégie a fait de cette institution financière un empire ?
Une stratégie ambitieuse pour conquérir le monde
Thomas Sutherland, commerçant écossais, a fondé HSBC en 1865 à Hong Kong pour financer le commerce de la soie et de l’opium entre l’Europe, l’Inde et la Chine mais aussi répondre aux besoins des communautés d’affaires. Un mois après sa création, elle s’établit à Shanghai, puis ouvrit un réseau de succursales le long des routes commerciales d’Asie du Sud-Est afin de soutenir les flux croissants d’échanges de marchandises. Au début du XXe siècle, la banque chercha à renforcer et à élargir ses marchés asiatiques. Elle renforça son activité dans l’octroi de prêts aux gouvernements nationaux, notamment chinois, visant à financer des projets de modernisation et d’infrastructures, tels que la construction de chemins de fer.
La récession économique des années 1930 marqua le début d’une période d’incertitude pour HSBC. Toutefois, c’est seulement au cours de la Seconde Guerre mondiale que la banque fit face à de réelles difficultés. Ce fut l’un des moments les plus prénibles de son existence. En décembre 1941, les succursales fermèrent les unes après les autres à mesure de l’avancée des troupes japonaises à travers l’Asie, et la majorité des employés britanniques furent faits prisonniers. Afin de réaffirmer sa puissance, HSBC décida de fortement s’impliquer dans la reconstruction de l’économie hongkongaise après la Seconde Guerre mondiale. Avec l’essor de l’industrie textile, Hong Kong devint un important centre manufacturier. La banque se lança dans le financement de ce nouveau secteur d’activité par l’octroi de prêts pour la construction des usines de coton, de crédits pour l’importation de matières premières et de devises pour couvrir les échanges.
Implantée progressivement dans 16 pays, HSBC finança le commerce dans le monde entier. Vers la fin des années 1970, la direction de HSBC avait conçu la stratégie du « tabouret à trois pieds », représentant les trois marchés des régions d’Asie-Pacifique, des États-Unis et du Royaume-Uni. En effet, dans les années 1980, l’achat de la Marine Midland Bank aux États-Unis a représenté l’acquisition de la deuxième jambe du tabouret. Puis, HSBC a recherché un achat similaire au Royaume-Uni ce qui a amené la banque a acquérir la Midland Bank en 1992. Ces deux principaux investissements leur donneront une envergure internationale. C’est ainsi que HSBC est devenue la plus chinoise des banques occidentales et la plus européenne des banques chinoises.
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Diversification et capacité d’adaptation
En 1997, après un siècle et demi de domination, la Grande Bretagne restitue Hong Kong à la Chine. HSBC doit alors choisir entre ces deux pays. Les dirigeants optent pour un déménagement du siège à Londres tout en conservant le cœur de ses affaires à Hong Kong. HSBC profite de l’ouverture des frontières de la Chine, pionnière de la mondialisation. La banque fructifie son ADN chinois et se différencie par rapport aux banques américaines par sa présence de longue date sur le sol asiatique, lui permettant de s’affirmer comme un partenaire privilégié.
En septembre 2007, la crise financière frappe les rues de Londres. Le gouvernement britannique engage un plan de sauvetage des institutions financières mais HSBC refuse une recapitalisation par fonds publics pour affirmer son indépendance et son pouvoir par rapport aux états. Les banquiers d’HSBC préfèrent se tourner vers les hommes d’affaires de Hong Kong qui ont fait commerce avec la Chine pour renflouer financièrement l’institution. De plus, ce sont les banques d’investissement qui sont devenues les plus tributaires des béquilles étatiques après la crise.
Contrairement à elles, l’activité d’HSBC ne repose pas uniquement sur la banque d’investissement, c’est une banque globale, qui peut s’appuyer sur ses différentes entités : Retail Banking and Wealth Management, Commercial Banking, Global Banking and Markets, and Global Private Banking. L’offre d’HSBC est globale et ambitieuse afin de répondre en tout point aux besoins de sa clientèle, c’est ce qui fait d’elle une institution incontournable dans la sphère financière.
L’offre de la banque a su se réinventer pour suivre les mutations en matière de développement durable et environnemental qu’impose le monde de demain. En effet, la banque britannique a fait du développement durable un des fondements de sa stratégie pour répondre à ses ambitions au niveau international. Elle a d’ailleurs annoncé qu’elle allait cesser de financer de nouvelles centrales à charbon et s’est engagée à ne plus fournir ses services financiers pour les projets d’exploitation des ressources énergétiques en Arctique. Fin 2015, le groupe a annoncé son engagement à hauteur de 1 milliard de dollars dans un portefeuille obligataire « vert » afin d’investir dans des actifs liquides de haute qualité issus d’obligations vertes, sociales ou responsables.
« Too Big to Jail »
En 2012, quatre ans après la crise, la banque a failli perdre sa licence pour exercer aux États-Unis du fait de son implication dans le financement des cartels mexicains. Elle est condamnée. Georges Osborne, porte-parole du gouvernement britannique, intervient auprès du gouvernement américain pour défendre la cause de la banque et protéger la stabilité financière mondiale. La fin de ses activités sur le continent nord-américain aurait des conséquences dramatiques sur l’activité de l’institution. Grâce à cette intervention, la banque a pu conserver sa licence et, en même temps, afficher sa supériorité face à la première puissance mondiale.
L’influence de la banque dépasse la sphère financière, premier employeur de la City, pilier de l’économie britannique. Elle a su s’entourer de personnes au sein du gouvernement Cameron lui permettant d’être intouchable. Par exemple, l’ancien président d’HSBC Stephen Green fut nommé ministre d’état sous ce gouvernement. Les liens étroits avec la Chine permettent à HSBC d’affirmer à nouveau sa présence dans l’accompagnement de projets internationaux de financement et les levées de fonds. Elle est d’ailleurs le partenaire privilégié entre EDF et la Chine sur le projet de construction de deux réacteurs nucléaires en Grande Bretagne : Hinkley Point.
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Quel avenir pour HSBC après le Brexit ?
L’empreinte d’HSBC à Londres suffira-t-elle à retenir la banque dans l’incertitude prolongée autour de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne ? Ses ambitions d’accompagner le financement de projets internationaux va à l’encontre du Brexit. Il contraint d’ailleurs le groupe à revoir ses ambitions stratégiques. Paris pourrait bel est bien être la place financière où HSBC pourrait rapatrier certaines de ses activités. Cette nouvelle organisation permettra aux clients de continuer de bénéficier des services de financement et d’investissement de la banque.
Aujourd’hui, HSBC est la première banque européenne en termes d’actifs. Avec plus de 6 200 bureaux aussi bien dans des pays développés qu’émergents, elle est un empire colossal, employant plus de 235 000 personnes, et a su historiquement afficher sa puissance face aux gouvernements. L’institution profite de sa position unique à Hong Kong, le nouvel eldorado de la finance mondiale pour être au cœur des projets internationaux ambitieux. Malgré les scandales, la stratégie globale d’HSBC lui permettra sans aucun doute d’être la banque qui accompagnera la Chine dans sa quête de devenir la nouvelle place financière mondiale. C’est à travers cette banque que la Chine pourra investir dans la finance mondiale et imposer le Yuan comme une nouvelle monnaie d’échange.
Nicolas Sombret, étudiant à Kedge Business School et contributeur du blog AlumnEye
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