Première femme à la tête de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen serait la seconde personne la plus influente du monde financier, selon Business Insider. Encensée tant pour ses qualités professionnelles qu’humaines, elle ouvre notre série de portraits consacrés aux femmes les plus en vue de la finance et de l’économie. Pour autant, Janet Yellen dénote dans les hautes sphères du pouvoir : à son arrivée à la tête de la Fed, on l’a affublée du surnom de colombe. Qu’en est-il du bilan de cette femme de convictions, si remarquée ?
Une carrière universitaire prestigieuse
Née à New York en 1946, Janet Yellen a rapidement manifesté un intérêt prononcé pour l’économie. Après des études à Brown, elle obtient un Doctorat d’économie à Yale, et intervient dans les plus prestigieuses universités du monde : Harvard, LSE, ou encore Berkeley. A la suite de ce brillant cursus universitaire, Janet Yellen intègre, dès 1977, l’équipe d’économistes de la Fed, avant d’en prendre la tête 36 ans plus tard.
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Une ascension initiée sous Bill Clinton
C’est en 1994 que, sollicitée par l’administration Clinton, Janet Yellen rejoint le Conseil des Gouverneurs de la Réserve fédérale américaine. Véritable tête pensante de la Fed, le Conseil des Gouverneurs agit en conseil d’administration, et supervise les douze réserves fédérales. Janet Yellen est alors entourée de six autres membres nommés par le Président des Etats-Unis, et dirigée par un Président du Conseil, faisant office de Président de la Fed. C’est dans ce contexte qu’elle poursuit son ascension politique, promue de gouverneur à chef des conseillers économiques de Bill Clinton, pour ensuite devenir vice-présidente de la Fed en 2010.
Pressentie dès 2009 pour succéder à Ben Bernanke – avant que celui-ci ne soit reconduit dans ses fonctions – Janet Yellen assistera au quotidien son prédécesseur plus de trois années durant. Elle influencera alors pour partie le choix de la politique menée par la Fed. Œuvrant pour le retour de la croissance et le sauvetage de l’économie américaine au lendemain de la crise, la Fed entreprend, entre autres, une injection colossale de fonds, notamment via un rachat massif de bons du Trésor. Cette politique d’assouplissement quantitatif, visant à dynamiser l’économie tout en calmant les marchés, est encore d’actualité 8 ans après son introduction.
En compétition avec Larry Summers pour succéder à Bernanke, Yellen bénéficie d’une très forte côte de popularité dans les médias ; en témoigne le soutien affirmé du Financial Times comme du New York Times. Janet Yellen marque également sa différence en n’appartenant pas au cercle habituel du pouvoir, proche de Wall Street. Celle qui, dès 2005 avait mis en garde l’opinion au sujet d’une bulle financière en passe d’exploser aux Etats-Unis, semble imperméable à la pression des banques. Davantage préoccupée par l’emploi que par le taux d’inflation, elle se positionne en successeur logique au lendemain de la crise financière. Finalement nommée Présidente de la Fed en octobre 2013, elle prendra ses fonctions début 2014.
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Entre continuité et convictions
Si sa politique ne s’inscrit pas en profonde rupture avec celle menée par Ben Bernanke, Janet Yellen dénote d’un point de vue symbolique. Première femme et premier président démocrate de la Fed depuis 30 ans, keynésienne, elle se veut au service de l’économie réelle et fait du retour au plein emploi son cheval de bataille. Pour la première fois depuis 2006, la Fed a pris la décision de relever fin 2015 ses taux directeurs. La politique menée par Janet Yellen est résolument tournée vers une baisse du chômage à moins de 5% – au risque de voir temporairement l’inflation s’élever au-dessus de la cible affichée des 2%. Si une seconde hausse était attendue sur les marchés, et a été actée hier, la Fed semble – sous l’impulsion de sa présidente – continuer son désir de maintenir une économie dite high pressure. Afin de favoriser un cercle vertueux investissement-emploi-consommation-croissance, elle mise sur un marché du travail dynamique, boosté par des taux d’intérêts relativement bas.
Pour panser les maux de la crise de 2008, Janet Yellen considère que l’économie nécessite un stimulus monétaire afin de continuer sa croissance, et ainsi revenir au plein emploi. Conformément aux convictions de sa présidente, la lutte contre l’inflation n’est pas l’objectif prioritaire de la politique menée par la Fed. L’inflation est jugée acceptable, et ce même au delà des fameux 2%, tant que cela demeure temporaire et non structurel. A la veille des élections américaines, Yellen affirmait encore une fois sa volonté de favoriser la stabilité monétaire malgré la pression des marchés, et a, début novembre, reporté la hausse pourtant si attendue des taux d’intérêts.
Des priorités claires et affichées
La décision de maintenir le taux directeur autour de 0,25-0,5% faisait débat au sein du Conseil des Gouverneurs de la Fed. Pour autant, presque trois ans après sa prise de fonctions, Yellen semble en mesure de réussir son pari : loin des 8% de janvier 2013, le taux de chômage a désormais regagné les 4,9%. La « colombe » a su s’imposer au sommet de l’une des institutions financières les plus puissantes au monde, et ce, par delà les critiques – Donald Trump l’accusant notamment de plier sous la pression de l’administration Obama. Elle s’est illustrée par son calme et sa gentillesse, plébiscités par nombre de dignitaires américains. Elle n’en demeure pas moins une redoutable économiste à la vision claire, menant d’une main ferme une politique en accord avec ses convictions.
Femme la plus influente de la Finance, son intervention mercredi au dernier meeting de la Fed était très attendue, tout comme son annonce de relever le taux directeur. Le coup de tonnerre provoqué par la victoire de Donald Trump signe le début d’une nouvelle ère dans le mandat de Janet Yellen. Ayant tantôt soutenu puis critiqué la politique menée par la Fed, Trump a affiché son objectif d’y nommer en 2018 un président républicain et n’exclut pas d’en réformer le fonctionnement. Yellen pourrait ainsi jouer un rôle clé dans la période de transition qui s’initie aux Etats-Unis, et s’affirmer davantage en garant de la stabilité financière et économique.
Andrea Bossetti, étudiant à PSB et contributeur du blog AlumnEye