Le développement de la Chine et son émergence au rang de grande puissance mondiale résulte d’une politique de change de longue durée plaçant la devise au service de la croissance du pays. Le ralentissement chinois actuel peut se comprendre comme résultat d’une telle interaction entre le yuan et la stratégie de développement du gouvernement.
1980 à 2005 : le taux de change yuan/dollar fixe au service d’une croissance rapide
La révolution culturelle menée par Mao et le parti communiste entre 1966 et 1976 a conduit à l’émergence d’une Chine économiquement centralisée, à l’image de son gouvernement. Lorsque Deng Xiaoping prend les rênes du pouvoir en 1978, il entreprend d’augmenter la place du commerce dans l’économie chinoise et d’ouvrir cette dernière à l’international. La réforme des principaux secteurs d’activité du pays tels que l’agriculture, les entreprises possédées par l’état, le secteur bancaire, la législation relative aux investissements étrangers et au commerce international autorise un libéralisme grandissant. Ainsi, le prix du grain fluctue pour la première fois en fonction de l’offre et de la demande alors qu’auparavant les volumes produits obéissaient aux quotas fixés par l’état. Ce libéralisme a favorisé le commerce et par conséquent le développement économique de la Chine pendant 25 ans.
La politique de change chinoise a largement contribué au maintien de cette croissance jusqu’en 2004 en manipulant la valeur du yuan. Ce dernier était alors indexé sur le dollar et suivait son évolution. Dans les années 80, la monnaie était surévaluée ce qui augmentait les importations et pénalisait les investissements étrangers. La banque centrale chinoise a alors suivi une politique de dévaluation progressive afin de renforcer les positions exportatrices du pays et de drainer les investissements étrangers. A la fin des années 90, la tendance s’est inversée et le yuan était devenu largement sous-évalué. Le maintien d’une politique de change fixe et la sous-évaluation de la monnaie chinoise a fournis un avantage commercial comparatif au pays. Cela a permis le maintien d’une importante croissance mais tout en engendrant un large excédent commercial avec les Etats Unis (3% du PIB en 2002 et 2003) et d’autre part un déficit commercial avec les pays asiatiques. Une telle situation impropre au bon déroulement du commerce international a conduit la Chine à adopter un taux de change variable. La valeur du yuan est alors indexée sur un panier de devises, ce changement conduit à son immédiate revalorisation de 2.1%.
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Un taux de change variable : premier pas vers un rayonnement international
Bien que le changement de la politique de taux de change de 2005 fasse suite à la pression internationale, un tel taux variable constitue la continuité naturelle du développement chinois en participant à l’élaboration d’une économie reposant sur le commerce international. L’indexation de la valeur du renminbi sur un panier de devise a résolu d’une part les problèmes liés aux manipulations de la valeur de la monnaie chinoise. Ce changement de politique de change a permis de surcroît l’ouverture du secteur banquier à l’international en 2006 en autorisant la flexibilité nécessaire à l’accord entre offre et demande sur les marchés financiers, premiers pas vers un rayonnement international.
La politique de change a joué un rôle clef dans la stratégie de développement chinoise et a permis au pays d’évoluer d’une économie centralisée vers une économie de marché. A partir de 2005, l’orientation prise par le gouvernement se modifie légèrement. L’économie du pays adopte ainsi une dimension nouvelle dans son ouverture à l’international en délaissant pour la première fois la souveraineté nationale au profit des marchés financiers. Ces derniers requièrent la flexibilité d’un taux de change adaptable à l’offre et à la demande, comme assuré par un taux de change variable. Il s’agit d’une étape importante du rayonnement international de la Chine et de l’étendue de son influence. Le gouvernement chinois possède toujours les moyens d’influer sur la valeur du yuan mais diminue progressivement sa marge de manœuvre au profit d’une souveraineté grandissante des marchés.
En dépit des résistances rencontrées par le gouvernement, une telle stratégie de développement reposant sur la politique de change a fait le succès du développement chinois. Elle a permis en effet à la Chine d’attirer les flux d’investissements étrangers et de maintenir une croissance très importante de son PIB (9,5% par an en moyenne entre 1978 et 2004), faisant ainsi du pays une puissance internationale de premier rang.
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Mise en perspective avec le ralentissement chinois de 2015
La Chine traverse un ralentissement global de son économie bien mis en évidence par les dévaluations successives du yuan à l’été 2015 et un taux de croissance du PIB inférieur à 7% (chiffre officiel). Ce ralentissement a plusieurs origines parmi lesquelles l’action conjointe de la chute des cours du pétrole, de l’éclatement de la bulle d’investissements boursiers et des injections peu judicieuses de capitaux par les autorités.
Au-delà du phénomène de bulle sur le marché action chinois, ce ralentissement s’est caractérisé par une modification du taux de change du yuan ainsi qu’une action du gouvernements chinois visant à l’émission de produits financiers en yuan hors du territoire national. Ces mesures visent ainsi à favoriser l’intégration du renminbi dans le panier des monnaies de référence du FMI, ce qui favorisera les transactions financières en yuan. Il s’agit de la prochaine étape du développement économique chinois dans un contexte international.
La bonne compréhension du développement économique de la Chine requiert l’appréhension de sa politique de taux de change. Cette dernière a joué un rôle prédominant dans la croissance du pays et dans son émergence au niveau de puissance internationale. La politique de change est intrinsèquement liée à la stratégie de développement de la Chine. Le ralentissement chinois à l’été 2015 analysé sous cet angle souligne une continuité dans la stratégie du gouvernement. Ce dernier poursuit l’ouverture de l’économie chinoise à l’international au travers d’un libéralisme qui efface progressivement les décisions étatiques au profit des marchés.
Matthieu Martal, étudiant à l’ESSEC et contributeur du blog AlumnEye
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