En plein essor depuis 3 ans, la finance alternative fait beaucoup parler d’elle et vous vous y êtes peut-être déjà confronté sans le savoir. Peer-to peer, crowdfunding, cagnottes en lignes… ce financement alternatif envahit le marché français avec pas moins de 628 millions d’euros prêtés en 2016. Cette finance modifie le marché mais également le profil des investisseurs, souvent plus jeunes et moins traditionnel. L’occasion ici de découvrir les différents types de financements alternatifs, leur développement, ainsi que les principaux acteurs du marché.
Qu’est-ce que la finance alternative ?
L’expression « finance alternative » désigne l’ensemble des instruments de financement aux particuliers et aux entreprises proposés à travers de nouveaux canaux de distribution, qui se démarquent face au système financier traditionnel. Dans le langage courant, on utilise le mot crowdfunding, ou finance participative, en se référant à l’ensemble des formes de financement impliquant une plateforme web et des internautes.
Très critiquée lors de sa naissance, aujourd’hui la finance alternative connait un véritable essor. Les grandes banques d’investissement, ainsi que d’autres investisseurs institutionnels ont commencé non seulement à financer des projets à travers les nouveaux canaux proposés, mais également à acquérir des participations dans les sociétés qui mènent le développement de ces formes de financement. En 2015, 44% des sociétés opérant sur un segment de la finance alternative déclaraient la présence d’investisseurs institutionnels dans leur capital, contre 24% en 2013. Goldman Sachs a lancé en 2016 sa plateforme de prêts aux particuliers « Marcus » et BNP Paribas vient d’inaugurer un partenariat avec SmartAngels pour créer une plateforme offrant les titres de PMEs non cotées à travers la technologie Blockchain.
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Naissance et développement de la finance alternative
La naissance de la finance alternative a été poussée par deux événements majeurs : la crise économique de 2008, qui a fait douter de la fiabilité du système financier traditionnel, et la diffusion d’Internet et des réseaux sociaux. Plus précisément, la participation d’un grand nombre d’individus aux réseaux sociaux a fait gagner davantage d’importance à la voix collective des internautes sur l’attractivité d’un projet d’un individu ou d’une entreprise. De cette conception de l’espace Internet, les plateformes de la finance alternative trouvent leur légitimité.
Jusqu’à présent, beaucoup d’analystes et académiciens considéraient la finance alternative comme une mode, destinée à s’évanouir au bout de quelques années. Une récente étude menée par l’Université de Cambridge, en collaboration avec le cabinet d’études d’EY, a démontré non seulement que les instruments de la finance participative sont en train de se répandre très rapidement, mais qu’ils attirent également les investisseurs institutionnels, à la recherche d’investissements capables d’améliorer les retours de leurs portefeuilles ou de réduire leurs frais de fonctionnement.
Ainsi, le développement de ce marché s’est envolé depuis les quatre dernières années. En 2015, le volume d’affaires de la finance alternative en Europe a atteint le montant de 5,4 milliards d’euros, enregistrant une augmentation de 92% par rapport à l’année précédente. Le Royaume-Uni s’avère être le marché dominant en Europe, avec 81% des opérations européennes réalisées sur son territoire et 94 plateformes en 2016. La France représente le deuxième marché européen, avec un volume d’affaires en 2016 s’élevant à 319 millions d’euros et 39 plateformes présentes. Au niveau mondial, la Chine et les Etats-Unis dominent la scène, avec un volume d’affaires en 2016 respectivement 17 fois et 6 fois plus élevé que le niveau européen.
Pour mieux appréhender ce secteur, il faut pouvior distinguer les différents segments de la finance alternative.
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Peer-to-peer lending (P2P)
Le peer-to-peer lending, abrégé en P2P et connu aussi sous le nom de social lending, est une forme de financement qui permet aux particuliers et aux entreprises d’accéder au crédit sans passer par un intermédiaire financier. Il existe sous deux formes : consumer et business lending.
Le P2P consumer lending permet à un particulier de souscrire un prêt personnel avec plusieurs individus ou institutions, donnant une petite tranche du prêt à chacun, sans offrir de garanties. Les institutions financières détenant les plateformes permettent la rencontre entre les différents acteurs et gèrent les échanges financiers. Elles facilitent également l’accès au financement à des emprunteurs qui auront été rejetés par les institutions financières traditionnelles. Les intérêts à payer sur ces prêts peuvent être plus élevés que ceux des prêts traditionnels, mais le P2P consumer lending demeure très attractif car il élimine tout frais de dossier, coût d’intermédiation et autres frais bancaires. Les préteurs, de leur côté, doivent être prêts à accepter un risque de défaut élevé de la contrepartie.
Le P2P business lending permet aux PMEs et ETIs d’obtenir un crédit de financement de la part d’un groupe d’investisseurs (soit particuliers, soit institutionnels), en évitant la préparation d’un dossier pour une banque ou intermédiaire traditionnel et sans forcément donner des garanties en contrepartie. Cela permet un accès plus rapide au crédit à un coût compétitif par rapport aux prêts traditionnels. En même temps, les investisseurs peuvent bénéficier de l’efficience de la plateforme dans la gestion des transferts d’argent, tout en profitant d’un risque de défaut relativement faible.
Le P2P lending est le segment le plus important de la finance alternative, générant plus de 55% du volume total d’affaires du marché. En France, le chiffre d’affaires dégagé par ce business est passé de 43,2 millions d’euros en 2013 à 183 millions d’euros en 2015.
Acteurs majeurs : Prexem (France), Zopa (USA), Lending Club (USA), Prosper (USA), Upstart (USA), Funding Circle (UK), RateSetter (UK), Auxmoney (Allemagne), CreditGate24 (Suisse), Younited Credit (France), Bondora (Estonie), Geldvoorelkaar (Pays-Bas), Fixura (Finlande), Lendix (France), Mintos (Lituanie), ThinCats (UK), Smartika (Italie), Comunitae (Espagne)
Equity crowdfunding
L’equity crowdfunding, ou equity-based crowdfunding, est une forme de finance participative destinée principalement aux entrepreneurs et PME. Elle permet à ces acteurs d’attirer des investisseurs privés, ainsi que des sociétés de capital-investissement, à travers la promotion de leur business model sur une plateforme web. Les adhérents au projet reçoivent des titres de capital en fonction de leur participation financière. Ils deviennent des actionnaires à part entière de la société et, pour cela, leur rémunération est représentée par les dividendes éventuellement versés par la firme et le capital gain qu’ils peuvent réaliser sur la vente de leurs titres de participation.
L’equity crowdfunding représente le deuxième segment d’activité de la finance participative, avec un volume d’affaires en Europe s’élevant à 159 millions d’euros en 2015. En France, ce secteur a connu une croissance significative, à plus de 298% entre 2014 et 2015 et un chiffre d’affaires s’élevant à 76 millions d’euros en 2015.
Acteurs majeurs : CircleUp (USA), AngelList (USA), Gust (USA, active en France aussi), Crowdfunder (USA), Anaxago (France), Happy Capital (France), SmartAngels (France), Companisto (Allemagne), Crowdcube (UK), Seedrs (UK), Seedmatch (Allemagne), MyMicroInvest (Belgique), Symbid (Pays-Bas), SyndicateRoom (UK).
Reward-based crowdfunding
Le reward-based crowdfunding est une forme de financement participatif qui prévoit un don en échange d’argent. Il s’agit du segment le plus créatif de la finance alternative car il permet à une multitude de projets d’obtenir des ressources financières. Entrepreneurs, artistes, sociétés technologiques, PMEs ont utilisé le reward-based crowdfunding, non seulement pour obtenir des emprunts financiers, mais aussi pour créer une base de consommateurs à laquelle elle pourra offrir un prototype, obtenir une approbation collective de leur projet, inclure des suggestions provenant de la part de ces consommateurs et créer des partenariats avec d’autres sociétés.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette forme de financement existe depuis longtemps. En 1885, John Pulitzer a lancé une campagne publicitaire à travers son journal « The World » pour financer la création du piédestal et l’installation de la Statue de la Liberté. En échange de la participation financière, l’éditeur américain avait dédié une édition spéciale de son journal aux contributeurs du projet, en publiant noms et prénoms.
En 2015, le volume d’affaires de cette forme particulière de financement s’élevait à 139 millions d’euros, dont 48 millions d’euros générés en France. Toutefois, son taux de croissance annuel en 2015 s’élève à 35%, niveau relativement faible comparé à celui d’autres branches de la finance participative.
Acteurs majeurs : Kickstarter (USA), Indiegogo (USA), Ulule (France), KissKissBankBank (France), Goteo (Spain), Boomerang (Danemark), Derev (Italie), Wemakeit.ch (Suisse).
Invoice trading
L’invoice trading est le segment de la finance alternative qui a pour ambition de bouleverser le monde de l’affacturage. Le concept derrière cette forme de financement est très simple : à travers une plateforme online, il permet à une entreprise de type PME de financer son besoin en fonds de roulement en cédant ses créances à un groupe d’investisseurs individuels ou institutionnels. La nouveauté réside dans les acteurs qui gèrent ce type de business : des start-ups et des Fintechs qui permettent aux investisseurs de choisir directement la facture et l’entreprise à financer.
Lors de sa naissance, l’invoice trading enregistrait un chiffre d’affaires d’environ un million d’euros en 2013, entièrement réalisé au Royaume-Uni. En 2015, le volume d’affaires s’élevait à 81 million d’euros, ce qui correspond à un taux de croissance moyen de 877% en seulement 3 ans. Il s’agit du 4ème segment de la finance alternative par volume d’affaires.
Acteurs majeurs : FinexCap (France), Créancio (France), MarketInvoice (UK), Sancus Finance (UK), Iwoca (UK), Cashinvoice (Italie), CashMe (Italie), Credimi (Italie), Crowdcity (Italie), Workinvoice (Italie).
Real Estate Crowdfunding
Le Real Estate Crowdfunding permet aux investisseurs de financer des projets immobiliers, en investissant dans un bien immobilier, en achetant des parts de capital ou en finançant la construction d’un bien, directement sur la plateforme online. Il s’agit d’une forme de financement de l’investissement immobilier très jeune et très attirante pour tout investisseur souhaitant diversifier un portefeuille d’actifs. En effet, cela leur permet de gagner une exposition directe aux projets immobiliers, sans passer par des agences ou d’autres investisseurs institutionnels tels que les REITs (Real Estate Investment Trustee).
Ce segment de la finance alternative est très jeune : les premières données ont été collectées en 2014 et on estime un chiffre d’affaires européen de 27 millions d’euros en 2015.
Acteurs majeurs : Co-owning (Sweden), TheHouseCrowd (UK), Companisto (Allemagne), PropertyMoose (UK), Lymo (France), WiSeed (France), Fundimmo (France), Immoinvesting (France).
Autres formes
D’autres segments de la finance alternative existent tels que le financement de la dette d’une PME par crowdfunding (crowd funded debt-based securities) ou la participation au profit de l’entreprise à travers ce qu’on appelle le profit-sharing crowdfunding. Il s’agit d’une variante de l’equity crowdfunding qui prévoit la possibilité de participer à la répartition du profit de l’entreprise. En Europe, ces deux segments de la finance alternative sont encore très jeunes et peu développés ; en 2015, on estime un volume d’affaires respectivement de 11 millions d’euros et 540 000 euros.
La finance alternative ou participative est une branche de la finance dynamique et innovante, elle met au défi le système financier traditionnel. Les plateformes gérées par les Fintechs permettent aux entreprises de réduire les coûts d’accès au financement et d’externaliser la rencontre avec un plus grand nombre d’investisseurs potentiels. Ces deux aspects contribuent sans doute à la croissance et à l’affirmation du marché de la finance alternative malgré les voix s’élevant pour une régulation de ce système : à titre d’exemple (absurde), en 2014, un projet de financement d’une salade de pommes de terre a permis de réunir 55 000 dollars sur Kickstarter.
Valentina Guerra, étudiante à Dauphine et contributrice du blog AlumnEye
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