Le trading haute fréquence (THF), high frequency trading en anglais, est une méthode automatisée qui utilise des algorithmes complexes et des ordinateurs puissants pour effectuer des transactions sur les marchés financiers à une vitesse élevée de l’ordre de la micro seconde. Il permet de réaliser divers types de transactions, notamment l’achat et la vente d’actions, de devises, de matières premières et d’autres actifs financiers.
Ce type de trading a émergé dans les années 1990, lorsque les premiers ordinateurs de haute performance ont commencé à être utilisés pour effectuer des transactions sur les marchés financiers. Les avancées technologiques ont ensuite permis d’accélérer encore plus les transactions en utilisant des algorithmes de trading automatisés et des technologies de transmission de données toujours plus rapides. D’après les données de Tabb Group, le THF représenterait entre 50 et 70% des transactions boursières aux États-Unis et jusqu’à 40% des transactions sur les marchés européens.
Le THF : quand la rapidité fait loi sur les marchés financiers
Le trading haute fréquence fait partie d’un des pans les plus fascinants et des plus exclusifs du monde de la finance. Avec des transactions exécutées à des vitesses fulgurantes, il est aujourd’hui possible de réaliser une transaction en moins de 500 microsecondes et d’effectuer jusqu’à 1000 transactions par seconde. Pour atteindre cette vitesse de traitement, les ordinateurs sont physiquement situés à proximité des centres de négociation afin que les ordres puissent arriver sur le marché le plus rapidement possible.
Cependant, le trading haute fréquence n’est accessible qu’aux professionnels du secteur, car les algorithmes sophistiqués nécessitent une expertise technique importante. Aussi, cette technique de trading repose sur le volume, car les bénéfices potentiels des transactions sont minimes. Les traders doivent ainsi ouvrir des milliers d’ordres et effectuer de nombreuses opérations pour obtenir des gains importants.
Il convient également de noter que tous les ordres sont clôturés avant la fin de la séance de bourse. Le THF est conçu pour traiter des données en temps réel et les algorithmes sont souvent optimisés pour fonctionner dans des conditions de marché spécifiques telles qu’un certain taux d’intérêt, une certaine volatilité ou une certaine situation géopolitique. Les traders haute fréquence peuvent courir des risques en laissant des ordres non clôturés après la séance de négociation, car cela les expose à des mouvements imprévus du marché. Pour éviter cela, ils préfèrent donc fermer tous les ordres de bourse avant la fin de la séance.
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Il s’agit donc d’un marché complexe et exclusif qui nécessite une expertise technique importante. Les algorithmes sophistiqués et la vitesse fulgurante caractérisant ce marché le rendent exclusivement accessible aux professionnels. Il s’agit d’un marché en constante évolution qui fascine et intrigue, mais qui nécessite une approche professionnelle rigoureuse pour être efficace.
Fibre optique et micro-ondes : la kryptonite du THF
La transmission de données pour effectuer rapidement des transactions s’effectue grâce à des technologies telles que la fibre optique ou les micro-ondes. La fibre optique utilise des fils de verre ou de plastique transparents pour transmettre des données sous forme de signaux lumineux. Elle permet un déplacement des informations à très haute vitesse et peut transmettre des données sur de longues distances avec une faible latence, ce qui en fait une option attrayante pour le THF qui a pour objectif d’être véloce dans ses transactions.
De l’autre côté avec les micro-ondes, les données financières sont d’abord converties en un signal électrique qui est ensuite modulé en une onde électromagnétique à haute fréquence. Ces ondes électromagnétiques sont alors envoyées à travers l’air par un émetteur en direction d’un récepteur. Ce dernier décode ensuite les ondes en signal électrique, qui est converti en données numériques utilisables par les algorithmes de trading haute fréquence.
Cette technologie est utilisée pour réduire les retards liés à la distance physique puisqu’elle permet des déplacements rectilignes, mais elle peut également être considérée comme moins fiable que les méthodes de transmission de données traditionnelles telles que les lignes de fibre optique. Les micro-ondes peuvent être affectées par des conditions météorologiques extrêmes comme les orages et les tempêtes, et peuvent également être perturbées par d’autres sources d’interférences telles que les avions et les satellites.
Une course à la rapidité nécessitant des règles
Le trading haute fréquence est devenu une pratique de plus en plus régulée sur les marchés financiers. Grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle et des algorithmes sophistiqués, les transactions se font à présent en une fraction de seconde. Toutefois, les inquiétudes quant à son impact potentiel sur la stabilité des marchés ont conduit les autorités financières à mettre en place plusieurs réglementations pour réguler cette pratique. Pour garantir la sécurité des utilisateurs et de l’environnement, les régulateurs tels que la (FCC) imposent des règles sur les fréquences radios ou l’octroi de licences pour les stations de transmission par micro-onde.
- Parmi les réglementations les plus courantes, on trouve les mécanismes de circuit breaker, qui sont conçus pour interrompre les échanges lorsque les fluctuations de prix sont excessives. Par exemple, la bourse de New York utilise un circuit breaker qui arrête les échanges pendant 15 minutes si l’indice Dow Jones Industrial Average baisse de plus de 7 % en une seule séance de négociation.
- Certaines bourses ont mis en place des règles d’ordre minimum pour limiter le nombre de transactions effectuées en une période de temps donnée. Par exemple, la bourse de Tokyo exige que les traders de haute fréquence soumettent des ordres d’au moins 100 actions, et que chaque ordre dure au moins 0,2 seconde.
- Les régulateurs exigent que les traders de haute fréquence affichent leurs ordres de manière transparente et divulguent les informations sur les ordres et les transactions effectuées. Cela permet aux autres investisseurs de prendre des décisions éclairées et de réduire le risque de manipulation du marché.
Ces réglementations visent à prévenir les pratiques de trading haute fréquence qui pourraient compromettre la stabilité des marchés financiers. Cependant, certaines critiques soutiennent que ces réglementations peuvent également limiter l’efficacité du THF en tant que mécanisme de découverte des prix.
Une stratégie de trading très lucrative
Grâce à l’automatisation, les traders haute fréquence peuvent augmenter leur volume d’opérations de manière considérable, leur permettant de cumuler des gains minimes sur chaque transaction, qui in fine se transformeront en un profit conséquent.
Le THF permet également aux investisseurs de saisir des opportunités qui ne se présentent que pendant un court instant sur le marché boursier. Il permet ainsi d’être les premiers à profiter de ces opportunités avant que les cours n’aient la possibilité de réagir. Par exemple, si une grande société d’investissement liquidait un de ses portefeuilles, cela entrainerait une baisse temporaire du prix des actions concernées, ce qui offrirait une opportunité d’achat pour un trader haute fréquence, qui pourrait ainsi acheter rapidement ces actions avant que le cours ne remonte.
Le THF offre des opportunités d’arbitrage, qui sont des situations où un même bien est vendu à des prix différents sur différents marchés. Par exemple, si le cours d’une action est plus élevé sur un marché que sur un autre, un trader haute fréquence pourrait acheter cette action à bas prix sur le marché où elle est moins chère, puis la vendre immédiatement sur le marché où elle est plus chère, réalisant ainsi un profit.
Les enjeux derrière le THF
Certaines personnes dénoncent une véritable course à la technologie imposant de lourdes barrières à l’entrée des petits acteurs, ce qui aboutit à une concurrence biaisée. Les défenseurs du THF soutiennent que cet instrument de trading améliore l’efficacité du marché en y apportant plus de liquidités, mais les critiques affirment que cela peut causer des perturbations sur les marchés et qu’il s’agit de pratiques considérées comme de la manipulation de cours.
Par exemple, le « quote stuffing » est une technique utilisée par certains acteurs du marché pour manipuler les prix des actifs. Cette pratique consiste à envoyer une grande quantité d’ordres fictifs dans le but de créer des déséquilibres temporaires dans l’offre et la demande, ce qui entraîne des fluctuations de prix artificielles. Les acteurs malveillants peuvent alors acheter ou vendre des actifs à des prix artificiellement bas ou élevés, réalisant ainsi des profits injustes.
Le « flash crash » de 2010 est un événement notable qui a mis en lumière les dangers de telles pratiques. Le 6 mai 2010, le Dow Jones Industrial Average subissait une chute soudaine de près de 1 000 points en quelques minutes avant de se rétablir rapidement. Cette crise éclair a été attribuée à plusieurs facteurs, dont le quote stuffing et l’impact d’un ordre de vente massif d’E-Mini (contrats à terme sur indices boursiers) qui a été exécuté automatiquement via un programme de trading algorithmique. Les raisons exactes de cet ordre de vente n’ont jamais été divulguées, mais il a eu un impact significatif sur le marché.
Le trading haute fréquence est souvent impliqué dans le quote stuffing car il utilise des algorithmes sophistiqués pour passer des ordres à grande vitesse et avec une grande fréquence. À la suite de cet événement, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a pris des mesures pour renforcer les réglementations sur les marchés financiers et interdire la pratique du quote stuffing.
Les outils technologiques utilisés dans le THF permettent une analyse des cours de bourse à une vitesse qui dépasse celle des autres acteurs, créant ainsi une asymétrie d’information et, par conséquent, une concurrence déloyale qui chasse les autres acteurs du marché. Ces derniers peuvent alors penser que les meilleures opportunités leur échappent car elles sont accaparées par des acteurs plus rapides qu’eux, rendant possiblement les marchés financiers moins efficients.
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Cela dit, les régulateurs veillent à ce que ce type de trading ne soit pas un frein pour les marchés, en émettant des rapports fréquents et de nouvelles règlementations sans craindre de sanctionner certains acteurs comme cela était le cas avec Virtu. Cette entreprise de trading fut un exemple de sanction appliquée à un acteur du THF : condamnée pour manipulation de cours de 27 actions de l’indice CAC 40 en 2009, Virtu utilisait une stratégie d’arbitrage basée sur des écarts de prix et inondait le marché avec des ordres rapidement annulés, ce qui avait pour effet de perturber le marché et de fausser les cours. Cette sanction montre que les régulateurs prennent au sérieux les abus du THF et cherchent à maintenir l’intégrité des marchés financiers.
Le trading haute fréquence est donc un sujet qui suscite de plus en plus d’intérêt et de débats dans les cercles financiers et politiques. Avec la montée en puissance des technologies de pointe et des algorithmes sophistiqués, le THF est devenu un élément clé des marchés financiers modernes. Mais derrière cette efficacité et cette rapidité se cachent des risques et des préoccupations liés à la transparence, la concurrence équitable et la stabilité du marché
Ludovic Vincenti, étudiant à l’EDHEC
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