Franck Riboud, ancien PDG de Danone, disait de Lionel Zinsou : « chaque fois que je partais en voyage avec lui, je revenais plus intelligent »

Lionel Zinsou est un personnage fascinant et singulier du paysage franco-béninois. Le 28 Juin 2017, il est nommé président du conseil d’administration de Terra Nova, think tank progressiste indépendant ayant pour but de diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe.
Si son nom est inconnu du grand public, il résonne à l’oreille des banquiers, investisseurs et politiciens en France comme au Bénin. Lionel Zinsou est une figure incontournable du monde des affaires comme du monde politique.

Banquier chez Rothschild, il se lie d’amitié avec Emmanuel Macron qu’il soutiendra pendant sa campagne présidentielle. PDG de PAI Partners, le plus gros fonds d’investissement français, il restructure l’entité. Conseiller politique, il sera la plume de Laurent Fabius. Premier ministre du Bénin, il se présentera à l’élection présidentielle du pays. Avec un tel parcours, impossible de faire l’impasse sur Lionel Zinsou dans notre série de portraits consacrés aux personnalités du monde de la finance et de l’économie.

Un « béninois virtuel » mais un Français couvert d’éloges

Lionel Zinsou est né en France en 1954 d’un père béninois (médecin du président et poète sénégalais Léopold Sedar Sanghor) et d’une mère franco-suisse (infirmière à Paris). Son oncle était le président de la République du Dahomey (actuel Bénin) de 1968 jusqu’au putsch dont il est victime en 1969. Mathieu Kérékou, auteur du putsch change le nom du Dahomey en Bénin et met en place un régime répressif d’influence marxiste-léniniste, tout en persécutant l’oncle de Lionel. Le jeune franco-béninois nourrit d’abord un rapport conflictuel avec le pays de son père. Il y voyage souvent pendant les vacances, mais avec la révolution de 1974 il ne pourra se rendre au Bénin qu’après la chute du régime militaire en 1990. Il se décrit pendant cette période comme un « Béninois virtuel », tout en étant un Français couvert d’éloges.
En effet, enfant brillant, il fait ses études au lycée Louis-Le-Grand avant d’étudier sur les bancs de la rue d’Ulm pour ensuite poursuivre ses études à SciencesPo et à la London School of Economics. Son goût marqué pour l’économie et la finance se manifestera d’abord par l’enseignement de l’économie à l’ENA et à l’ENS avant de diriger le centre de sciences sociales à l’École Normale Supérieure. Un parcours académique marqué par l’excellence.

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Une brillante carrière professionnelle

En parallèle de l’enseignement, il entame sa carrière professionnelle en rejoignant l’entreprise Danone. Initialement contrôleur de gestion en charge du budget, il gravit rapidement les échelons, devient responsable d’une filiale anglaise de Danone et s’occupe du développement international du groupe. Pendant onze ans, il sera « à l’heure de la conquête du monde » en dirigeant différentes filiales dont le département des fusions acquisitions. En 1997, Lionel Zinsou rencontre David de Rothschild et intègre la banque d’affaires où il travaillera pendant onze ans. Chez Rothschild & Cie il devient associé-gérant et responsable du secteur des biens de consommation. Il est également responsable du développement de la banque dans les pays émergents et en Afrique. « Je leur disais que les marchés émergents allaient finalement émerger, et qu’on devrait continuer à s’y intéresser. Ils m’ont suivi. »
Au cours de sa carrière de banquier, il développe quelques liens avec le fonds d’investissements PAI Partners. Il le conseille dans diverses opérations comme celle avec United Biscuit, entreprise cédée pour 2,636 millions d’euros.

Lionel Zinsou rejoint Paribas Affaires Industrielles (PAI) en 2008 au comité exécutif en tant que N°3, et en devient le PDG en 2009, un an seulement après son arrivée. Il a restructuré l’un des fonds dont la taille avait été divisée par deux et a permis la levée de 3,3 milliards d’euros. Aussi, il fut responsable de la réorganisation du management dudit fonds.

Son engagement politique, de Matignon à premier ministre du Bénin

Si son parcours professionnel est déjà singulier et impressionnant, ce prodige touche-à-tout excelle aussi dans la voie politique. Ses premiers pas dans la sphère politique se font d’abord en tant que plume et membre du cabinet de Laurent Fabius alors premier ministre sous Mitterrand. En 2006, alors banquier chez Rothschild & Cie, le président Béninois Boni Yayi propose à Lionel Zinsou de rejoindre l’exécutif en tant que ministre de l’économie et des Finances. Ce dernier refuse mais accepte bénévolement un poste mineur de conseiller économique spécial qu’il occupe jusqu’en 2011.
Au cours de sa carrière en tant que banquier d’affaires, Lionel Zinsou a conseillé plusieurs gouvernements africains, ceux du Sénégal, du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, et du Cameroun.
Lorsqu’en juin 2015 le président Boni Yayi le nomme Premier Ministre, la nomination crée une véritable surprise. D’autant plus que ce poste n’existe pas constitutionnellement au Bénin, le président étant chef de l’Etat et du gouvernement. Lionel Zinsou est nommé dans un contexte difficile. En effet, le président Béninois est de plus en plus impopulaire et il ne lui reste plus que neuf mois avant la fin de son mandat non renouvelable.
Dès lors, Lionel Zinsou, premier ministre, participe à la mise en œuvre d’un régime d’assurance maladie. Il apparait rapidement comme étant le dauphin du président Boni Yayi puisqu’il se présente dans la foulée à l’élection présidentielle du Bénin. Toutefois, en un délai aussi court, l’ex patron de PAI Partners n’a pas le temps ni de faire ses preuves ni de se faire connaitre et il est battu par son adversaire Patrice Talon à l’issue du second tour de l’élection présidentielle béninoise.
De retour en France, en pleine campagne présidentielle de 2017, Lionel Zinsou reprend part à la vie de la cité cette fois en faisant partie des conseillers d’Emmanuel Macron sur les affaires étrangères durant sa campagne. Lionel Zinsou supporte le candidat à la présidentielle qu’il a rencontré chez Rothschild.

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Un Afro-optimiste

Le franco-béninois a toujours porté à cœur les intérêts du continent africain et du Bénin plus particulièrement. Il explique dans un entretien au journal en ligne Terangaweb avoir toujours pris en compte le facteur Bénin dans ses choix de carrière : « Je n’ai pas voulu passer le concours de l’École nationale d’administration car je ne souhaitais pas devenir fonctionnaire français d’autorité. J’ai toujours eu la volonté d’avoir un métier que je pourrais un jour exercer au Bénin ».


M.Zinsou se décrit comme un « afro-optimiste » : il est très attaché au développement de l’Afrique. Il estime que le continent est à la veille d’un « tsunami industriel ».
« Il y aura trois vagues qui provoqueront un tsunami industriel. Certains pays sont déjà acteurs dans les échanges internationaux : les éléments de cockpits d’Airbus fabriqués en Tunisie ou ceux des réacteurs de Safran au Maroc illustrent leur intégration dans les chaines de valeurs mondiales. L’autre vague, la plus forte, viendra de la satisfaction des besoins africains : automobiles, ciment, agroalimentaire… Enfin, troisième vague : la délocalisation, pour profiter d’éléments de compétitivité en Afrique. Et là, « le continent se substituera à l’Asie » déclare-t-il à RFI et Jeune Afrique en 2014.

Le franco-béninois est très préoccupé par les questions relatives au développement de l’Afrique. Dans cet esprit, il crée plusieurs fondations, dont l’une sous l’impulsion du gouvernement de François Hollande, AfricaFrance, dont le but est d’aider les projets entrepreneuriaux, les entreprises et l’économie du développement en Afrique.
À titre d’exemple, la fondation collabore avec celle de Jean-Louis Borloo dont l’objectif est d’électrifier tout le continent. Pour rappel, trois habitants sur quatre n’ont toujours pas d’électricité en Afrique. Des entreprises comme Danone et Mars ont contribué à hauteur de 120 millions d’euros pour investir dans l’agriculture à travers la fondation.

Porté par le même intérêt, il crée la fondation Zinsou en 2005 pilotée par sa fille Marie-Cécile. Cette fondation est réputée pour ses expositions et ses collections d’art contemporain africain. Par ailleurs, la fondation promeut l’accès à la culture en envoyant des bus à Cotonou au Bénin permettant aux enfants de visiter des expositions gratuitement.

En 2013, Lionel Zinsou rejoint le conseil des affaires étrangères du Quai d’Orsay. Cette instance lui permet une fois de plus de participer activement aux relations entre la France et le continent Africain.

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Un homme animé par le débat d’idées :  La présidence de terra nova

« En Europe comme en Afrique, et indissociablement, j’ai toujours considéré comme essentiel de participer au débat public au sein des forces progressistes » déclare l’ancien premier ministre.

Lionel Zinsou a toujours eu à cœur le débat d’idées. Il publie en 1985, Le fer de lance : essai sur les nationalisations industrielles.
De même suite à la demande du Président de la République, François Hollande, il rédige un rapport Mémoire de l’esclavage, devoir d’avenir dans le but de préfigurer une fondation pour la mémoire de l’esclavage.
L’ex premier ministre est aussi président de la fondation de l’École Normale Supérieure dont l’objectif est de développer et soutenir les activités de recherche et formation de l’ENS.
Il a toujours été proche des cercles de réflexion et a siégé près de dix ans au Conseil de surveillance du journal Libération.

C’est tout naturellement par son parcours, ses idées et ses actions que l’ancien premier ministre est choisi comme président du think tank progressiste Terra Nova en 2017. « Nous recherchions un progressiste, ouvert sur le monde, en prise avec les réalités économiques et qui s’intéresse à la vie des idées » déclare Thierry Pech, directeur général de Terra Nova. Le think tank pro-européen défend les valeurs de la social-démocratie. La proximité de Lionel Zinsou avec Emmanuel Macron aussi bien sur le plan personnel qu’idéologique permet aussi de reconfirmer l’orientation libérale progressiste du think tank qui tente de s’éloigner du PS.

Pour certains, à tout juste 62 ans, Lionel Zinsou semble être sur la fin de sa carrière. Mais son parcours riche d’expériences nous enseigne que le banquier, investisseur, politiciens, auteur, conférencier, économiste ne s’arrête jamais. Quelle autre fonction va-t-il ajouter à son CV ô combien impressionnant ?

Mamadou Dembele, étudiant à Dauphine et contributeur du blog AlumnEye