Marguerite Bérard : De la haute fonction publique à la tête d’ABN AMRO

Le 23 avril 2025 marque un tournant pour la gouvernance bancaire européenne : Marguerite Bérard prend officiellement ses fonctions de Directrice Générale d’ABN AMRO, devenant la première femme à diriger la troisième banque des Pays-Bas. Cette nomination survient un an après son départ remarqué de BNP Paribas, où elle dirigeait la banque commerciale en France. À 47 ans, l’ancienne énarque et haute fonctionnaire française hérite d’un mandat stratégique : réduire les coûts, accélérer la digitalisation, intégrer la banque privée allemande HAL acquise en 2024, et piloter la sortie progressive de l’État néerlandais du capital. Son arrivée est perçue comme un signal fort d’ouverture européenne et un repositionnement offensif d’ABN AMRO sur le marché du Wealth Management.

Une ascension au cœur des institutions françaises

Née le 31 décembre 1977 à Paris, Marguerite Bérard grandit dans un environnement imprégné de service public. Fille de Jean-Michel Bérard, préfet, et de Marie-Hélène Bérard, ancienne conseillère de Jacques Chirac et banquière, elle est élevée dans une tradition d’engagement public et d’excellence académique. Son grand-père maternel, Assia Bat Genstein, juif russe ayant fui les pogroms, est pour elle une figure fondatrice. Elle lui rend hommage dans Le Siècle d’Assia (Flammarion, 2019), un récit intime et historique, à la croisée des tragédies du XXe siècle et des trajectoires familiales françaises.

Après des études à Sciences Po Paris, où elle préside la Conférence Olivaint en 1999, elle poursuit sa formation à l’université de Princeton, obtenant un Master en administration publique. Elle intègre ensuite l’École nationale d’administration (ENA), dont elle sort major de la promotion « Léopold Sédar Senghor » en 2004, où elle côtoie Emmanuel Macron.

De l’ombre du pouvoir à la technostructure

À sa sortie, elle rejoint l’Inspection générale des finances, l’antichambre des carrières de pouvoir. Elle gravit rapidement les échelons : en 2007, elle entre à l’Élysée comme conseillère sociale auprès de Nicolas Sarkozy, puis devient directrice de cabinet du ministre du Travail, Xavier Bertrand, entre 2010 et 2012. Elle y affûte ses armes sur les grands dossiers de réforme, dans un univers marqué par l’intensité politique et la rigueur budgétaire.

Mais, contrairement à d’autres énarques restés dans la sphère publique, Marguerite Bérard choisit de « pantoufler » dans le privé. Une bascule assumée, à contre-courant d’une génération encore clivée entre État et entreprise.

L’appel des marchés : BPCE, puis BNP Paribas

En 2012, elle rejoint le groupe BPCE. Elle y prend rapidement de l’ampleur : directrice de la stratégie, puis membre du directoire, où elle supervise les finances, les risques, la stratégie et les affaires juridiques. À 37 ans, elle est déjà une figure montante du secteur bancaire.

C’est BNP Paribas qui l’attire ensuite. En 2019, à 41 ans, elle devient Directrice de la Banque Commerciale en France. Une ascension rapide, un style sobre, une capacité d’analyse unanimement saluée. Le Monde parle alors d’un « coup de jeune chez BNP », soulignant son aisance à naviguer entre innovation, gouvernance et transformation digitale. Elle n’est pas là pour exister, mais pour peser.

Un départ silencieux mais retentissant

En mars 2024, c’est la surprise. Marguerite Bérard quitte BNP Paribas. Sans explication publique. Elle était pressentie pour succéder à Jean-Laurent Bonnafé. Mais en interne, le signal est clair : les portes du sommet ne s’ouvriront pas. Alors elle part. Avec méthode. Et avec un horizon plus large.

Une nomination à portée européenne : ABN AMRO

Le 23 avril 2025, Marguerite Bérard prend officiellement les rênes d’ABN AMRO, l’une des trois grandes banques néerlandaises. Elle devient la première femme et la première dirigeante étrangère à occuper cette fonction.

Les défis sont immenses :

  • Redresser l’efficacité opérationnelle (objectif de cost-income à 60 % d’ici 2026)
  • Intégrer la banque privée allemande HAL (acquise en 2024, 26 Md€ d’actifs sous gestion)
  • Accélérer la digitalisation face à un concurrent comme ING
  • Et, surtout, piloter la sortie progressive de l’État néerlandais du capital (encore actionnaire à 38 %)

Mais plus encore, elle hérite d’un actif stratégique : ABN AMRO est une cible potentielle dans la consolidation bancaire européenne. Et elle connaît bien les dynamiques de rapprochement. Paribas, avant sa fusion, s’appelait « Banque de Paris et des Pays-Bas ».

Une dirigeante qui écrit aussi

En 2019, Marguerite Bérard publie « Le Siècle d’Assia » (Flammarion), un ouvrage rendant hommage à son grand-père maternel, Emmanuel Genstein, et retraçant son parcours à travers les tumultes du XXe siècle.​ Elle est également membre du comité exécutif de l’Institut Montaigne, contribuant aux réflexions sur les politiques publiques et économiques en France .​

Leadership féminin et européen

Avec cette nomination, Marguerite Bérard rejoint un cercle restreint : celui des femmes dirigeant une grande banque internationale, aux côtés de Jane Fraser (Citigroup) ou Ana Botín (Santander). À 47 ans, elle incarne un leadership européen renouvelé : rigueur technocratique, vision stratégique, connaissance des institutions et sens du tempo politique.

Elle résume souvent sa philosophie en une formule :

« Bien choisir son mari, sa nounou… et son patron. »

Chez ABN AMRO, elle est devenue le patron.

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