En cette fin 2016 marquée par l’élection surprise de Donald Trump, quelques mois après le Brexit, le dossier italien vient clôturer une année riche en séismes politiques. Si elle n’était pas un partenaire commercial privilégié du Royaume Uni, l’Italie fut pourtant l’une des premières victimes de l’onde de choc qui a touché les marchés suite au Brexit. Les fragilités du secteur bancaire italien ont alors été mises à jour, constituant un potentiel foyer de crise au sein de la zone Euro.
Un secteur bancaire fragilisé
Le secteur bancaire italien est morcelé en un nombre colossal (environ 700) de très petites banques, affichant une rentabilité insuffisante et des coûts trop élevés. Il croule sous 360 milliards d’euros de prêts non performants – dont plus de la moitié est irrécouvrable – qui laissent planer un risque de faillite pour de nombreux établissements. Preuve de cette fragilité, Monte dei Paschi di Siena, emblématique institution transalpine, a reçu début juillet un courrier de la BCE la rappelant à l’ordre et lui ordonnant de réduire fortement d’ici à 2018 le stock de créances douteuses dans son bilan. Dès 2015, la faillite de quatre banques régionales signalait ces difficultés, entraînant la perte des économies d’une dizaine de milliers d’épargnants et la consternation de l’opinion suite au suicide d’un retraité désespéré par la disparition de son patrimoine.
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Une impasse pour Matteo Renzi
Mis en difficulté aux dernières élections législatives, Matteo Renzi s’est retrouvé dans une position délicate en 2016. La victoire du « non » au référendum achève cette année en actant la démission du premier ministre. Pour rappel, sa proposition de réforme du système parlementaire italien visait à réduire le pouvoir de la chambre législative et empêcher un renversement facile du gouvernement, garantissant donc une stabilité politique accrue.
Dans ce contexte difficile, Matteo Renzi s’est heurté à la législation de l’Union Européenne établie en 2013, imposant de solliciter d’abord les créanciers et actionnaires pour la recapitalisation des banques, avant de recourir à des fonds publics. Ce principe de bail-in (par opposition au bail-out ou recapitalisation via des fonds extérieurs) représente un risque socio-économique important en Italie. Il constitue une épée de Damoclès au-dessus de milliers d’épargnants ayant souscrit à des obligations de leur banque, qui perdraient leurs économies si les mesures imposées par Bruxelles étaient effectivement appliquées. La part considérable de prêts toxiques dans les bilans des banques limitant le recours à de nouveaux prêts, et de facto l’investissement, contribue à entretenir ce cercle vicieux. Le ralentissement accru de la demande et de la consommation – et donc de l’emploi – affecterait la croissance, augmentant les risques de faillites des banques qui devraient alors, dans le cas d’un bail-in, se recapitaliser au détriment des épargnants et des entreprises.
Conscient de l’impact d’un bail-in sur l’Italie – et soucieux d’éviter un bras de fer avec l’UE et l’Allemagne – le gouvernement Renzi a créé Atlante : un fonds visant à diminuer le poids des créances douteuses dans le bilan des banques. Les grandes fortunes italiennes, ainsi qu’un nombre significatif d’entreprises, de banques étrangères, de compagnies d’assurances ont alors été sollicitées. Il s’agit de financer le rachat de ces créances douteuses, contre de nouvelles exigences permettant d’améliorer le rendement des établissements en difficultés.
L’impact social, économique, politique et financier en Italie et dans la zone Euro
La difficulté de la mise en place d’un tel plan a relancé l’hypothèse d’un bail-out. Il apparaissait alors comme l’unique alternative permettant de sauver les banques, de désamorcer une situation très tendue si des milliers d’épargnants venaient à perdre leurs économies. Dès lors, sont nées des interrogations sur les conséquences au sein de l’Union Européenne d’un passage en force du gouvernement italien, comme de l’acceptation de ces mesures par l’UE. En effet, une recapitalisation des banques par l’Etat ferait grimper le montant du déficit budgétaire italien – bien au-delà du seuil de tolérance fixé par Bruxelles – et remettrait en cause les mesures imposées en grande partie sous la pression de l’Allemagne au lendemain de la crise grecque.
De fait, chacun des scenarii de résolution de cette crise comportait son lot de conséquences négatives sur l’environnement politique européen. Si l’hypothèse d’un bail-out était un pied de nez à toute crédibilité future de l’UE, les effets d’un bail-in pourraient se propager bien au-delà de l’Italie, engendrant la montée du populisme transalpin et accentuant les difficultés des partis en place. D’autres velléités nationales de sortie de l’UE auraient alors prospéré en contestant ces mesures imposées par Bruxelles à l’Italie. Aubaine pour les partis eurosceptiques, cette périlleuse situation a laissé planer des doutes sur la pérennité des mesures voulues par Berlin, qui se révèlent difficilement tenables et applicables pour les économies dites du Sud.
Suite à la publication des résultats du stress test des banques italiennes en juin dernier, le spectre d’une nouvelle crise majeure planait déjà fortement sur la zone Euro. Il alimentait un peu plus les incertitudes quant à la stabilité des marchés au vu des échéances cruciales encore à venir, telles les élections présidentielles françaises. Si le stress test a confirmé les inquiétudes relatives à certains établissements déjà dans le viseur de la BCE, il a par ailleurs souligné les fragilités d’acteurs de taille plus importante : Unicredit, Deutsche Bank ou encore Commerzbank.
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Des conséquences à nuancer
Avec une dévalorisation de l’Euro face au Dollar – atteignant son niveau le plus faible depuis mars 2015 – le « non » italien a eu l’effet escompté sur les marchés. La victoire du « non » a relancé pour un temps les incertitudes relatives à la survie des banques italiennes en difficultés ; parmi elles, Monte dei Paschi di Siena – plus ancienne banque du monde – cristallise les inquiétudes. Plus importante banque (en terme d’actifs) menacée, elle encourait surtout un échec de sa recapitalisation, et de la restructuration de sa dette – avoisinant désormais 50 fois sa capitalisation boursière. Avec une perte d’environ 80% de sa valeur boursière sur l’ensemble de l’année, Monte dei Paschi di Siena a vu ses difficultés s’accentuer après le refus par la BCE d’un délai supplémentaire pour se recapitaliser.
Cependant, à la surprise générale, une semaine après le référendum italien, les bourses du monde entier (New York, Paris, Francfort, Tokyo, Londres) affichaient des chiffres satisfaisants (+12,7% pour NY, +5% pour Paris). Signe d’une certaine prévention des investisseurs à l’égard du référendum, ces hausses traduisent un regain de confiance des analystes considérant que les plus grandes inquiétudes politiques sont de l’ordre du passé. Si les scénarii catastrophes sont à relativiser au vu des effets immédiats du référendum, le risque de contagion en cas de faillite n’est pas à exclure. La baisse du cours de bourse – qui se produit depuis des mois – de banques telles que Unicredit ou Deutsche Bank traduit le risque croissant de voir des établissements d’une toute autre ampleur sombrer elles aussi.
Compte tenu du poids de l’Italie dans la zone Euro (3ème puissance), l’hypothèse de la mise en place d’un plan de sauvetage limitant l’impact global d’un effondrement de son système bancaire, n’a cessé de croître étant donné le contexte actuel. Les incertitudes politiques en Italie ont fini par décourager les investisseurs potentiels – en partie identiques aux contributeurs du fond Atlante – de participer à la recapitalisation de Monte dei Paschi di Siena.
Face au désintérêt des investisseurs pour cette banque – dont témoigne le désistement du fonds souverain qatari (principal investisseur attendu) – le risque systémique trop important lié à l’établissement a rendu quasi-inévitable un bail-out. A ce titre, une participation de l’Etat à hauteur de 20 milliards d’euros est prévue, et a été validée par le parlement italien. Si l’échéance pour se recapitaliser via le marché est fixée au 31 décembre 2016, il est peu probable celui-ci réponde favorablement : l’intervention publique apparaît alors comme la seule option viable. Moins d’un an après la mise en place des nouvelles réglementations prévues par Bruxelles quant à la recapitalisation des banques, le cas italien pourrait être une première exception à la règle. Exception qui sonne comme une nécessité afin d’éviter une crise à la hauteur de celle de 2008-2009 ; Monte dei Paschi di Siena pouvant être l’élément déclencheur d’une succession de faillites.
Andrea Bossetti, étudiant à PSB et contributeur du blog AlumnEye
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