Le Leverage Buy Out ou LBO est une pratique largement utilisée par les fonds d’investissement dans leur prise de participations au capital d’une entreprise. Cette technique d’acquisition par effet de levier, c’est-à-dire par un recours massif à la dette financière, a pour but de maximiser la rentabilité des capitaux propres investis. Les entreprises ciblées sont des entreprises résilientes, évoluant sur des marchés porteurs et générant des cash-flows stables et prédictibles grâce à un business model solide et une excellente gestion opérationnelle. Au cours de la période de détention, actionnaire et management ont des intérêts alignés et un objectif commun de gérer au mieux l’entreprise afin de dégager des cash-flows permettant, entre autres, le remboursement de la dette et le paiement des intérêts. L’implication du Sponsor (fonds de Private Equity acquéreur) dans la gestion ainsi que le recours à la dette pour financer l’acquisition sont des leviers majeurs de création de valeur dans un LBO.
Au niveau du montage financier, la réussite d’une opération de LBO repose sur une allocation optimale des fonds propres et de la dette, dans la limite des capacités de remboursement de l’entreprise, de sorte à maximiser l’effet de levier et ainsi la rentabilité des investisseurs. Aussi, un ratio dette/fonds propres élevé sous-entend une rentabilité plus forte pour l’investisseur en capital. La dette est donc la raison d’être du LBO. Avec une forte croissance du marché du Private Equity entre 2008 et 2020, des niveaux de valorisation inédits et une politique de taux bas, le marché de la dette était en ébullition. Face à la recherche d’alternatives au financement bancaire classique, des investisseurs d’un nouveau type ont fait leur entrée sur le marché : les émetteurs de dette privé ou Private Debt. Le Private Debt désigne ainsi les solutions de dette haut de bilan, non financées par les banques et les marchés financiers publics.
Une alternative au financement classique d’acquisition
A la suite de la crise financière de 2008 puis de la crise de la zone euro en 2011, le marché des opérations de LBO mid-cap notamment fait face à un assèchement de l’offre de dette bancaire. Le Private Debt s’est particulièrement développé depuis, accélérée par la réglementation bancaire. Avec les normes Bäle III, les banques ont été plus contraintes quant à leurs fonds propres, permettant la naissance de sources de financement autres que la dette bancaire. De plus, les investisseurs institutionnels (assurances, fonds de pension), dans un contexte de baisse des taux et des rendements, cherchent à diversifier le risque de leurs portefeuilles. Ainsi, de nouveaux types de fonds ont vu le jour afin de répondre aux besoins de financement d’entreprises trop petites pour se financer sur le marché obligataire mais trop importantes pour emprunter auprès de leurs banques locales. Cet écosystème regroupe différents acteurs : asset managers, hedge funds, fonds de capital-risque et de capital développement, assureurs qui ont tous pour point commun de ne pas être une banque.
Le Private Debt contribue à créer des conditions attractives pour les opérations de financement et surtout d’acquisition des entreprises, en proposant une alternative aux prêts bancaires. Aux Etats-Unis, avant la crise du coronavirus, près de 70% des LBO concernant les entreprises de taille intermédiaire n’étaient pas supportés par des banques. A contrario, jusqu’en 2008, les LBO étaient financés par les banques à 70%.
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Les spécificités du Private Debt
Par rapport à la dette bancaire classique, le Private Debt ne requiert pas de négociation avec de multiples institutions. Sa mise en place est plus simple et rapide. Elle permet également de lever plus de fonds, pour des niveaux de risques différents. Enfin, elle apporte plus de flexibilité, avec des covenants assouplis.
- Les différents types de dettes
L’accès à tout type de dette est un élément essentiel de la compréhension du métier d’investisseur en Private Debt vs une position en Investment Banking au sein d’une équipe de Leverage Finance.
Le financement bancaire concerne les tranches de dette les moins risquées, dites tranches Senior. Or, lors d’une opération de LBO, des montants importants de dette sont mobilisés. Si un seul type de dette auprès d’une unique banque peut être envisagé lors des petites opérations, de manière générale, un sponsor négocie avec un groupe de banques qui « syndiquent » le montant total de la dette émise. En Leverage Finance, selon la position de la banque dans le deal, leader ou simple souscripteur, le rôle du banquier va différer mais ne dépassera pas le cadre de la dette Senior. Elle constitue la partie la moins risquée et donc la moins chère de la structure d’un LBO car elle bénéficie d’un ordre de priorité sur tous les autres types de financement en cas de faillite.
La dette Senior s’accompagne de covenants qui limitent la capacité d’endettement, les politiques de versement de dividendes et donne un droit de regard à la banque sur le déroulement du business plan et le respect des objectifs de génération des cash-flows pour le remboursement de la dette. Cependant, la dette bancaire ne suffit souvent pas à atteindre le financement total nécessaire pour le montage d’un LBO. En moyenne, les fonds propres représentent environ 30% du prix d’acquisition et la dette bancaire 50%. Les 20% restants sont un financement que le repreneur doit trouver et que la dette subordonnée permet de combler.
C’est le principal rôle que joue la dette mezzanine, un exemple de dette dite Junior et qui tire son nom de sa position entre la dette Senior et les capitaux propres dans l’ordre de paiement des investisseurs. Les créanciers Senior sont les premiers à toucher le retour de leur investissement, suivi par l’investisseur en mezzanine et enfin l’actionnaire en capital. La dette mezzanine est donc la dette la plus risquée mais elle offre les contreparties les plus intéressantes, avec un rendement entre 10% et 18%. Elle est devenue une des premières formes de Private Debt. Ce sont très largement des fonds spécialisés et non les banques qui sont prêteurs de mezzanine. En plus de proposer des rendements plus attractifs, cette forme de dette inclut un « equity kicker », qui offre à l’investisseur une rémunération supplémentaire sous la forme de bons de souscription, ou un « warrant » qui permet une participation éventuelle à la plus-value réalisée. Le risque significatif pris par ces investisseurs explique le niveau d’exigence analytique élevé nécessaire dans l’étude d’opportunités d’investissement, qui rapproche les métiers du Private Debt des métiers du Private Equity. Le Private Debt permet dès lors d’approcher l’investissement à la fois comme une banque, avec une vision « défensive » (“vais-je être remboursé ?”), mais aussi avec la vision « offensive » d’un fond de Private Equity, les warrants permettant de participer à la réussite de l’opération LBO.
- La structure d’un fonds de Private Debt
Les fonds de Private Debt proposent des structures comparables à ceux de l’industrie du Private Equity, avec une période de détention d’un investissement entre 3 et 5 ans et une durée de vie d’un véhicule d’investissement de 10 ans environ. Les Limited Partners de ces fonds sont de la même manière des assureurs, fonds de pension, banques privées et fonds souverains. Les Limited Partners sont majoritairement des investisseurs institutionnels qui, pour investir dans le non-coté, confient la gestion de leurs liquidités à des GPs (General Partners), les équipes des fonds d’investissement.
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Avantages d’une première expérience en Private Debt
Intégrer un fonds d’investissement dans une équipe de Private Debt offre une exposition conséquente aux métiers d’investisseur et aux deals sur le marché du Private Equity. Le financement de son acquisition pour un fonds de PE désirant prendre une participation dans une entreprise est une des dernières étapes du process M&A. La courbe d’apprentissage est donc conséquente lors d’un stage en Private Debt. Aussi, au cours du sourcing d’opportunités puis d’exécution d’un deal, l’investisseur en dette dispose d’un certain nombre de documents pour sa prise de décision : Information Memorandum du banquier sell-side, Commercial Due-Diligence des cabinets de stratégie mandatés par le sell-side puis buy-side, Financial Due-Diligence des cabinets de conseil financier ainsi que les documents juridiques et fiscaux. En parallèle du Sponsor ou très rapidement à la suite de l’annonce d’une acquisition, l’équipe de Private Debt étudie l’opportunité d’investissement, prend connaissance du data pack à sa disposition, mène sa propre due-diligence (expérience Senior interne, calls experts, comparaison aux entreprises en portefeuille) pour conclure sur une décision d’investissement.
Ce process est très centré sur l’assessment des risques liés au business model de l’entreprise et le marché sur lequel elle évolue puisque l’investisseur en dette mise sur le remboursement de la dette d’acquisition. Il dure en moyenne 1 mois, timing court par rapport au process d’acquisition en Private Equity (4-6 mois du sourcing au closing). En effet, le Sponsor cherchera à déterminer les opportunités de croissance de l’actif afin d’écrire son equity story puis d’accompagner l’entreprise dans la réalisation de ses objectifs stratégiques au cours de la période de détention. Cette partie du process n’est pas prise en compte par l’investisseur en dette, dont le métier est principalement centré sur le montage financier et la capacité de l’entreprise à répondre aux exigences de remboursement.
Bien que l’investisseur en dette n’entre pas dans une étude aussi approfondie de l’actif que l’investisseur en PE, les délais d’exécution plus courts des transactions permettent au prêteur d’exécuter un plus grand nombre de deals et ainsi d’être exposé à une plus grande diversité d’actifs. C’est également un métier de structuration, caractéristique des opérations de LBO, qui plait aux passionnés d’ingénierie financière. La négociation et renégociation des prix d’acquisition, sous la forme du niveau de taux d’intérêt, est dès lors une facette importante du métier d’investisseur en Private Debt.
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