Au cours de la dernière décennie, les investissements en infrastructures ont connu une croissance spectaculaire, stimulés par des défis sociétaux pressants tels que l’augmentation de la population mondiale, l’accroissement des échanges internationaux, le développement du numérique, et la transition écologique. Face à ces enjeux, la rénovation, l’amélioration et la construction de nouveaux équipements sont devenus impératives. Dans ce contexte, les fonds d’infrastructures ont émergé comme des acteurs clés, permettant de mutualiser les capitaux des investisseurs pour financer des projets essentiels.
Qu’est-ce qu’un Fonds d’Infrastructures ?
Les fonds d’infrastructures sont des véhicules d’investissement dédiés à la mobilisation de capitaux en vue de financer des projets d’infrastructures majeurs. Ces projets se répartissent en cinq catégories, couvrant des domaines essentiels tels que les infrastructures sociales (hôpitaux, écoles), environnementales (distribution et traitement des eaux), de transport (aéroports, autoroutes), de télécommunications (fibre optique), d’énergies conventionnelles et alternatives. L’objectif de ces fonds est de mutualiser les ressources financières des investisseurs, les dirigeant vers des actifs concrets ayant un impact direct sur la vie quotidienne, tels que des infrastructures cruciales pour la communauté. En investissant dans ces fonds, les participants contribuent non seulement à la croissance de leur portefeuille, mais également au développement durable et à l’amélioration des services essentiels.
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Un Marché en Pleine Expansion : Tendances et Chiffres Clés
Soutenue par une population mondiale en expansion et confrontée à des défis sociétaux majeurs, l’industrie des infrastructures a connu une croissance remarquable au cours des dernières années. Selon les données de France Invest, les acteurs français ont injecté 11,6 milliards d’euros dans ce secteur en 2022, soit 30% de plus par rapport à 2021. Parallèlement, les levées de fonds ont atteint 16 milliards d’euros, avec une croissance annuelle moyenne de +32% entre 2017 et 2022. À l’échelle mondiale, les investissements en infrastructures ont culminé à 102,4 milliards de dollars en 2019, avec une prévision ambitieuse de 1870 milliards de dollars d’ici 2026, selon les estimations de Preqin. Ces chiffres reflètent une dynamique globale. La Chine, à travers son initiative « nouvelle route de la soie, » a mobilisé un montant colossal de 932 milliards de dollars depuis 2013. Visant à promouvoir le développement des connexions commerciales entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique, ce projet implique la création de nombreuses infrastructures telles que des routes, des ports ou encore des voies ferrées. En réponse, l’Europe a lancé le projet « Global Gateway », s’engageant à allouer jusqu’à 300 milliards d’euros entre 2021 et 2027. Les secteurs les plus prometteurs au sein de cette expansion incluent les télécommunications, les énergies alternatives, les infrastructures sociales, les data centers, et la distribution de l’eau.
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Investir dans l’Infrastructure : Les Traits Particuliers d’une Classe d’Actifs à Long Terme
La classe d’actifs infrastructure se distingue par des caractéristiques financières spécifiques, attirant un profil d’investisseur particulier :
- Une durée opérationnelle prolongée, qui assure une stabilité à long terme pour les investisseurs. Cette caractéristique favorise la prévisibilité des rendements.
- Des marges opérationnelles élevées qui offrent un potentiel de rendement robuste. Ces marges sont souvent liées à des contrats à long terme.
- Un investissement initial conséquent, qui crée des flux de trésorerie initialement négatifs avant de voir une croissance progressive au fil du temps.
- L’infrastructure démontre une faible corrélation avec d’autres classes d’actifs mainstream, limitant son exposition aux cycles économiques. Parallèlement, elle maintient une corrélation élevée avec l’inflation, assurant une protection contre la dévaluation monétaire.
- Les investissements dans les infrastructures sont caractérisés par une prévisibilité élevée des flux de trésorerie à venir, créant un environnement propice à une gestion financière stable et calculée.
- Les investissements en infrastructures sont sensibles aux évolutions réglementaires, exposant les investisseurs à des changements dans les politiques gouvernementales et les cadres juridiques qui peuvent influencer la rentabilité des projets.
- Le risque de contrepartie est crucial dans les deals infra en raison de la complexité et de la durée étendue de ces projets. Ces projets impliquent souvent des partenaires financiers, des investisseurs, et des parties prenantes sur le long terme. La réussite du projet dépend souvent de la coopération continue entre ces acteurs.
Qui sont les acteurs du monde de l’infra ?
Les acteurs de l’écosystème de l’infrastructure sont des investisseurs à long terme, disposant de ressources financières substantielles, attirés par la stabilité et la prévisibilité des infrastructures. Le contrôle opérationnel des actifs, généralement détenu majoritairement, est crucial, justifiant la formation fréquente de consortiums d’investisseurs. Les investisseurs visent généralement des rendements internes cibles de 5 à 15%. La durée typique des investissements est de 5 à 10 ans, avec des sorties potentielles par le biais d’introductions en bourse, de cessions à des acheteurs stratégiques, ou de transferts à d’autres fonds. Les actifs d’infrastructures affichent un profil de flux de trésorerie très particulier, caractérisé par un investissement initial élevé entraînant des flux de trésorerie initialement négatifs, suivis d’une croissance des flux de trésorerie au fil des années. Ce profil est souvent comparé à la « courbe en J ». Le temps de récupération de l’investissement, ou « payback time, » est généralement d’au moins 5 ans. Ces dynamiques spécifiques attirent des investisseurs capables de naviguer à travers des horizons d’investissement à long terme, incluant notamment les fonds souverains et les fonds de pension.
Les principaux fonds d’infrastructures français
Ardian Infrastructure s’affirme comme le leader incontesté des investissements en infrastructures en France. En 2022, Ardian a franchi une étape significative avec la clôture réussie d’ASF VIII Infrastructure, son véhicule dédié aux opérations secondaires en infrastructure. En neuf mois seulement, le fonds a levé 4,9 milliards d’euros, dépassant largement son objectif initial de 2,3 milliards d’euros et consolidant sa position en tant que plus grand fonds secondaire en infrastructure, surpassant même celui du géant américain, Blackstone. ASF VIII Infrastructure a une durée de vie de douze ans, avec une période d’investissement de cinq ans. Le fonds, visant un taux de rendement interne à deux chiffres, prévoit d’investir dans des fonds et des actifs infra en Amérique du Nord et en Europe, dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, les télécommunications, les transports et les services publics, avec des investissements d’au moins 500 millions d’euros.
Antin Infrastructure Partners, une société présente à Paris, Londres, New York, Luxembourg et Singapour, se distingue avec des actifs sous gestion s’élevant à 30,6 milliards d’euros au mois de décembre 2022. Fondée à Paris en 2007, Antin a débuté sous le parrainage de BNP Paribas avant d’acquérir intégralement la participation de 40 % détenue par la banque en 2012. Dirigée par Alain Rauscher, ancien banquier, la société gère quatre fonds d’investissement en infrastructures en Europe et en Amérique du Nord, mettant l’accent sur les secteurs de l’énergie et de l’environnement, de la technologie numérique, des transports, et des infrastructures sociales. Possédant un tiers de l’ensemble du parc de matériel roulant au Royaume-Uni en 2014, la société a su étendre son influence. En 2021, Antin a franchi une étape majeure en devenant une société cotée en bourse après son introduction sur Euronext Paris.
Omnes, fondé en 1999 en tant que département d’investissement du Crédit Agricole sous le nom de « Crédit Agricole Private Equity », a acquis son indépendance en 2012 pour devenir un acteur majeur du Private Equity et de l’infrastructure. En 2023, la société a réalisé une levée de fonds significative de plus d’un milliard d’euros pour son fonds Capenergie 5, marquant ainsi sa plus importante opération à ce jour. Ce fonds, qui compte déjà cinq développeurs européens d’énergies renouvelables opérant dans dix pays, détient un portefeuille diversifié de 369 projets sous-jacents dans les domaines du solaire photovoltaïque, de l’éolien terrestre et du stockage en batterie. Omnes vise à soutenir une dizaine d’acteurs européens du secteur des énergies renouvelables à travers ce fonds. Sous la direction de Serge Savasta, qui a initié la stratégie d’Omnes en matière d’énergies renouvelables en 2006, la société de gestion a déployé plus de 2,5 milliards d’euros dans plus de 60 investissements dans des entreprises d’énergie renouvelable en Europe. Cette stratégie a généré un Taux de Rendement Interne (TRI) net moyen de plus de 15%, soulignant le succès continu d’Omnes dans le domaine des énergies renouvelables.
Vauban Infrastructure Partners se positionne en tant qu’acteur incontournable de la gestion d’investissements en infrastructures en Europe, intervenant dans les secteurs clés des transports, de l’action sociale, du numérique et des services aux collectivités, avec une approche axée sur la durabilité. En 2022, Vauban a établi un partenariat stratégique avec Carbone 4, un cabinet de conseil spécialisé dans les stratégies de décarbonation et l’adaptation au changement climatique, fondé par Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean. Cette collaboration vise à élaborer une méthodologie novatrice d’analyse des risques climatiques physiques en Amérique du Nord, intégrant des indicateurs clés de performance pour évaluer l’alignement des portefeuilles d’infrastructures avec les objectifs de l’accord de Paris. Fort d’une présence de près de 10 ans sur le marché, et avec une équipe de 35 experts, Vauban gère avec succès un portefeuille impressionnant de 3 milliards d’euros, répartis sur plus de 50 projets au sein de 5 fonds d’infrastructures.
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InfraVia Capital se distingue comme une force motrice majeure dans le domaine des infrastructures et de la technologie en Europe. Basé à Paris, Infravia a façonné un portefeuille diversifié en acquérant des actifs stratégiques, allant de centres de données en Suisse, comme Green.ch et Green Datacenter, à des établissements de santé tels que le Mater Private Hospital, et en devenant l’actionnaire majoritaire de Cignal, un acteur clé des infrastructures de télécommunications en Irlande. Participant actif dans des projets novateurs, notamment la coentreprise avec Liberty Global et Telefónica pour le déploiement d’un réseau fibre au Royaume-Uni, couvrant jusqu’à 7 millions de foyers, Infravia Capital Partners a su catalyser des transformations majeures. Depuis sa création en 2008, Infravia a levé avec succès 10 milliards d’euros de capitaux, déployant ces ressources dans plus de 40 entreprises réparties dans 13 pays européens.
Meridiam, fleuron de l’expertise financière française établi à Paris depuis 2005, s’érige en pionnier des investissements à long terme dans les infrastructures publiques, propulsant le développement durable aux avant-postes de son action. Fondée par Thierry Déau, la société affiche une envergure mondiale avec des investissements stratégiques en Europe, en Amérique du Nord et en Afrique, et avec un portefeuille d’actifs sous gestion atteignant plus de 20 milliards d’euros. Meridiam se distingue par son engagement envers la finance durable, choisissant minutieusement ses opérations en fonction de leur impact social, aligné sur les objectifs de développement durable définis par l’ONU, Meridiam s’affirme comme une force motrice mondiale, présente dans 25 pays avec des bureaux dans neuf villes, modelant un avenir d’infrastructures durables et résilientes.
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Demeter Partners se positionne comme un autre acteur important dans le domaine de l’infrastructure, façonnant le paysage financier avec une approche axée sur le financement en fonds propres des entreprises engagées dans l’environnement et la transition énergétique. Principalement actif en France, en Espagne et en Allemagne, Demeter Partners, à travers son fonds Demeter 4 INFRA créé en 2015, investit dans des projets d’efficacité énergétique territoriale, contribuant ainsi au développement durable. Fort de son impact positif, Demeter continue d’écrire l’avenir financier en collaborant avec des partenaires clés, comme en témoigne son récent lancement, avec EIT InnoEnergy, d’un fonds dédié au renforcement d’une chaîne d’approvisionnement robuste et diversifiée en matières premières pour les batteries en Europe.
Access Capital Partners consolide sa position concurrentielle dans le secteur des infrastructures en se rapprochant des 3 milliards d’euros sous gestion avec la clôture réussie de son dernier fonds d’infrastructures, Acif Infrastructure II. Fondée en 1998, la société étend son impact à travers six pays européens. Ses fonds se spécialisent notamment dans les infrastructures liées à la distribution d’énergies décarbonées en Europe.
Tess Roche, responsable éditoriale du blog et étudiante à Sciences Po Paris
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