Nous avons interviewé un Analyste en ECM travaillant au sein de la joint venture Lazard-Natixis.
Peux-tu présenter le métier d’Equity Capital Market ?
L’objectif de l’Equity Capital Market ou ECM est de couvrir les besoins en financement en fonds propres des entreprises via le marché (IPO, augmentation de capital, émission d’obligations convertibles). Bien qu’il s’agisse d’un métier de la banque d’affaires, ce métier est très différent du M&A :
- Tout d’abord, contrairement au M&A, les opérations sont réalisées sur le marché avec une multitude d’investisseurs. Ainsi, leur réussite dépend d’un nombre de paramètres beaucoup plus vastes et diversifiés, il ne s’agit pas d’un deal entre deux parties.
- De plus, et sauf dans le cas d’une IPO, l’ECM n’opère qu’avec des clients cotés, ainsi, les dynamiques de marché et les paramètres de volatilité sont déterminants en ECM.
L’ECM se scinde en général en plusieurs divisions. Au sein de mon équipe, on parle d’une « Origination », d’une « Syndication » et d’un « Montage ».
- L’Origination est l’équipe qui va générer le pricing de l’opération (ie déterminer le price range) et pitcher le client (lui proposer d’acheter les titres émis). Il s’agit d’un métier à la fois technique et commercial, en forte relation avec la clientèle.
- La Syndication s’occupe de la veille de marché et du placement des opérations sur le marché. Cette équipe communique avec les traders et est donc en relation avec les investisseurs.
- Le Montage est l’équipe de juristes qui accompagne l’Origination tout au long de la préparation et du déroulement de l’opération. C’est l’équipe qui est en lien avec les Autorités de Marché.
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Quelles étaient tes motivations pour postuler à un poste dans cette équipe ?
Etant à la fois intéressée par la finance d’entreprise et la finance de marché, je n’avais pas envie de choisir … Travailler en ECM me permettait donc d’approcher les deux en travaillant pour des entreprises, mais sur des opérations en relation avec les marchés financiers. Grâce à son orientation « marché », faire de l’ECM permet en outre de travailler sur un nombre de produits beaucoup plus vaste qu’en M&A. L’ECM permet en effet de se pencher sur des sujets « Equity » (IPO, augmentation de capital, rachat d’actions, OPA, OPE) mais également sur des sujets « Debt » (émissions ou rachat d’obligations convertibles OCEANE ou ORNANE). L’ECM est donc très enrichissant intellectuellement.
De plus, les équipes d’ECM travaillent souvent en forte collaboration avec leurs équipes M&A (besoin de financement d’une entreprise cotée faisant une acquisition par exemple). Ainsi, l’ECM permet d’être sur un grand nombre de deals et de problématiques à la fois.
Lire aussi : Les métiers de la banque d’affaires
En quoi consistent tes tâches quotidiennes et celles de ton équipe ?
Faisant partie de l’équipe « Origination », mes tâches quotidiennes sont fortement liées à la réalisation de pitchs pour nos clients.
- Il s’agit premièrement de la rédaction du « point de marché ». Le point de marché consiste entre 2 à 5 slides sur le marché de référence de la société étudiée. Il se concentre principalement sur les cours de bourse de la société et de ses comparables et l’évolution des recommandations des brokers, afin d’en extraire le potentiel de hausse du titre. Les équipes sont d’ailleurs très fréquemment amenées à utiliser Bloomberg pour le point de marché.
- Ensuite, il s’agit de définir le pricing de l’opération, c’est la partie « marché » de l’ECM, qui requiert une bonne connaissance de la finance de marché (conditions d’émissions d’une convertible, option d’achat, de vente, etc). Les autres parties du pitch sont plus similaires à celles que l’on peut faire en M&A : choix des comparables et valorisation (principalement par multiples, transactions comparables et DCF), étude de l’actionnariat, de l’equity story, considérations stratégiques. C’est là que l’argumentaire commercial rentre fortement en jeu.
- En outre, l’Origination réalise en lien avec la Syndication des publications périodiques, destinées aux principaux clients, pour présenter les dynamiques du marché. Nous réalisons chaque semaine des rapports sur l’évolution des différents paramètres de volatilités et des spreads de crédit, ainsi que sur l’évolution des principaux titres au sein des secteurs sur lesquels nous opérons.
Voir aussi : Les métiers de la finance d’entreprise
Quels sont les profils typiques des employés de ton équipe ?
Les profils ayant un double diplôme école de commerce / ingénieur sont très recherchés en ECM. Leur esprit quantitatif est en effet un atout majeur pour le pricing des opérations. Toutefois, on compte aussi beaucoup de profils « purement financiers » dans l’équipe, car il s’agit avant tout d’un métier commercial. J’observe aussi que beaucoup d’entre eux ont eu, dans leur parcours, un attrait particulier pour le marché (Equity Research, Sales and Trading, etc…).
Peux-tu nous parler un peu plus en détail des grandes problématiques contemporaines liées à ton métier ?
A cheval entre le marché et la finance d’entreprise, l’ECM est très propice au conflit d’intérêt. Tout d’abord, l’ensemble des opérations que nous couvrons est susceptible d’influencer fortement les cours de bourse, et c’est pourquoi nous rentrons en liste d’interdiction (ou liste d’initiés) sur l’ensemble des opérations que couvre l’équipe. Par là, il nous est strictement interdit d’acheter ou de vendre des titres, voire même de communiquer quelque information ou document sur l’opération sur laquelle nous travaillons. Ceci explique l’utilisation de noms de code et de dossiers protégés par exemple.
En outre, le Chinese Wall nous interdit également, en tant qu’originateurs, d’avoir quelque lien que ce soit avec le marché. Ainsi, l’équipe de syndication doit souvent faire le tampon entre l’origination et le marché. Nos conversations avec les syndicateurs sont d’ailleurs enregistrées.
De plus, je dirais que la régulation fait partie intégrante de notre métier d’ECM, puisque nous ne traitons qu’avec des sociétés cotées et que nous communiquons beaucoup avec l’AMF par le biais de notre équipe de Montage. C’est donc un métier en plein cœur des problématiques actuelles de régulation.
Enfin, si je devais dépeindre l’évolution du métier de l’ECM dans les dernières années, je dirais qu’il s’agit d’un métier qui a fortement souffert de la crise… ! Toutefois, il s’agit d’un métier indispensable au sein de la banque d’affaire et la diversité des opérations proposées permet de maintenir un véritable flux d’activité.