Le stage en M&A est l’expérience tant attendue de beaucoup d’étudiants en finance, mais avant de s’embarquer dans cette aventure, trop peu d’entre eux savent réellement à quoi s’attendre. Qu’en est-il du quotidien du stagiaire en M&A ? Quelle est sa charge de travail ? Comment réussir son stage en M&A ?
Afin de vous éclairer sur le sujet, nous avons donné la parole à 3 étudiants passés par une telle expérience. Ces AlumnEye ont découvert le M&A dans des structures très différentes : Andrea, ancien stagiaire chez Rothschild et Lazard (Large cap) ; Aurélien, qui fut stagiaire chez DC Advisory (boutique Mid cap internationale), et Camille, passée par Capitalmind (boutique Mid cap également), témoignent aujourd’hui pour vous donner un aperçu des points communs et des différences entre leurs équipes respectives.
Pourquoi as-tu choisi de faire un stage en M&A ?
Andrea : Je pense que le M&A qu’on veuille en faire ou non sa carrière, c’est une excellente école : ça permet de gérer des deadlines dans un environnement très exigent, de voir tout un tas de secteurs, côtoyer des problématiques de niveau CEO, CFO : c’est vraiment passionnant. Aussi faire un stage en M&A permet de prendre du recul sur pas mal de choses, de voir un petit peu la réalité du monde professionnel, et ça permet de commencer par ce qu’il y a de plus difficile, mettre des choses en perspectives et vérifier si c’est vraiment ce que l’on veut faire. A titre personnel j’ai choisi cette voie car c’est un métier technique, où l’on a besoin d’avoir un bon sens business, où il y a pas mal de stratégie et enfin car c’est un métier où l’on apprend en permanence que ce soit sur des entreprises, des secteurs, des façons de faire. C’est vraiment très enrichissant sur ce point-là.
Camille : Je dirais que c’est d’abord pour l’aspect stratégique du métier, on conseille les entreprises dans des moments clés. Notre valeur ajoutée est d’autant plus significative en Mid cap car la plupart du temps, le management des entreprises ne connaît rien aux process et se repose vraiment sur le conseil ; on est donc impliqué à 100% dans la stratégie de l’entreprise. Finalement, en M&A on a vite des responsabilités et on apprend beaucoup, c’est ce qui me motive vraiment. Tu dois te débrouiller aussi bien avec des choses basiques (maîtrise d’Excel et de PowerPoint) que dans des tâches plus compliquées comme créer un rapport pour ton client et en se plongeant dans son entreprise afin de la comprendre parfaitement en quelques jours.
Aurélien : Au départ, quand je suis arrivé en école de commerce, mon objectif était de faire de la finance de marché. J’ai donc décidé d’intégrer l’association finance de l’école et c’est là que j’ai appris ce qu’était un DCF ou des trading comps par exemple. Cela m’a tout de suite intéressé car contrairement à la finance de marché, la finance d’entreprise permet de se retrouver au cœur du « problème », de la machine. La réflexion stratégique est beaucoup plus présente, poussée et importante. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de changer de chemin et de me diriger en corporate finance. Et quoi de mieux que le M&A pour se retrouver au milieu de toutes ces problématiques ?
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Quelles ont été tes tâches au quotidien ?
Andrea : Chez Lazard, les stagiaires sont totalement intégrés dans les deals et les différentes opérations. En fonction du projet on peut avoir des tâches très variées : préparation de slides PowerPoint, préparation d’IM (Information Memorandum), de teasers, de documents à rendre au board. On passe aussi beaucoup de temps à chercher des informations, à les préparer pour que l’analyste puisse ensuite les traiter de la façon la plus efficiente. Il y a également beaucoup de process, c’est-à dire organiser les différentes réunions, suivre les différentes parties prenantes d’un deal : auditeurs, avocats, consultants.
Camille : Il y a tout d’abord la gestion de la dataroom qui consiste à vérifier la validité des documents puis les trier. Je participe aussi au travail de valorisation : on me donne un chiffre d’affaires et un périmètre géographique et je cherche des comparables de transactions. Je collabore également à l’élaboration de pitchs : analyse de marchés, analyse de la concurrence…. Il m’arrive aussi de participer à la rédaction de rapports stratégiques ou de notes sectorielles : pour cela je revois les états financiers, j’étudie l’entreprise ou un secteur en détails.
Aurélien : Je ne pense pas pouvoir parler de tâches quotidiennes, car une journée ne se déroule jamais de la même manière, mais plutôt de tâches en générale. Personnellement, je pense avoir eu de la chance car j’ai eu l’occasion de travailler sur 7 mandats en 6 mois, que ce soit en buy-side, sell-side ou même pour un refinancement. Cela m’a permis d’avoir des tâches diversifiées. Bien sûr il y a les grands classiques comme faire des trading comps, des transaction comps, des profils, des screening, etc. Mais j’ai aussi pu construire un modèle de rating et faire un peu de modeling.
Comment s’organise ta journée ?
Andrea : C’est la question à laquelle il est quasiment impossible de répondre en M&A, parce que la nature du travail fait qu’en fonction des deadlines les journées sont toutes différentes. Chez Lazard, j’arrivais vers 9h, la première chose était de prendre connaissance des mails de la nuit, voir quels vont être les top priorités de la matinée puis on se met au travail et on répond aux différentes attentes. Généralement à partir de 15-16h le gros du travail commence car la hiérarchie revient de meetings et a eu des updates de la part des clients. Chez Rothschild j’avais également des side-projects comme la mise à jour de bases de données sur des boites cotées et dont je devais m’occuper lorsque j’avais le temps.
Camille : La journée est rythmée par le client et ton donneur d’ordre. Globalement il y a un planning sur la semaine qui te permet de ne pas être débordé et d’allouer le bon temps à chaque sujet. Pour résumer je sais à quelle heure j’arrive mais pas à quelle heure je pars mais en moyenne mes journées s’étendent de 8h30 à 22h30.
Aurélien : En général, je suis mobilisé sur plusieurs exécutions et/ou pitch en même temps. Typiquement il m’est arrivé d’être sur trois process simultanément, chacun à un niveau d’avancement différent, et en fonction de cela j’avais des slides à faire, des recherches à effectuer, des documents à télécharger… En début d’après-midi mes propositions étaient revues et je devais passer les marks-up (corrections). En parallèle, il est possible qu’un MD (Managing Director) me demande de travailler sur quelque chose en annexe, et ça peut aller du simple profile au petit book un peu poussé sur un marché qui l’intéresse. Il n’y a pas de journée type, je ne suis jamais entré dans une sorte de routine et c’est ce qui rend le travail passionnant.
Comment es-tu formé(e) au cours du stage ?
Camille : J’ai été formée dès mon arrivée en stage. Pour ce qui est de l’apprentissage du fonctionnement des bases de données que l’on utilise au quotidien du type CapitalIQ, les prestataires sont venus directement nous former sur place à l’utilisation de leurs outils. En parallèle, nous avons bénéficié de formations des différents membres de l’équipe : quelques heures sur la dataroom, sur les comparables, sur Excel et PowerPoint. C’était vraiment très utile et ça m’a permis d’être opérationnelle dès le début.
Aurélien : Il n’y avait pas vraiment de formation au début du stage chez DC Advisory, à part une formation de 2h dans les bureaux de Facset. Dans les boutiques en France, on apprend surtout sur le tas et il ne faut pas être stressé si on a l’impression de faire des tâches ingrates, c’est normal. Il y a un temps pour tout. On apprend petit à petit à se connaître entre analystes et stagiaires. On gagne petit à petit en responsabilité. Je pense qu’il faut surtout montrer que l’on a envie d’apprendre, de poser des questions et ça viendra avec le temps. J’ai beaucoup de chance aussi car l’équipe chez DCA est très pédagogue. Les analystes prennent le temps de nous expliquer ce qu’il faut faire. Il faut juste bien écouter et essayer de comprendre le plus vite possible car ils ont beaucoup de sujets différents et revenir 2, 3, 4 fois pour poser la même question, ce n’est pas faisable.
Quelles sont les qualités nécessaires à la réussite de ton stage ?
Andrea : Les qualités nécessaires sont d’abord humaines, on n’attend pas des stagiaires qu’ils soient des brutes en finance, on cherche avant tout des gens rigoureux, disciplinés, débrouillards et surtout agréables. Rigoureux et disciplinés tout simplement car on attend du stagiaire qu’il devienne indépendant et qu’on puisse compter sur son travail. La différence entre un bon stagiaire et un mauvais c’est que le bon sera sûr de son travail, capable d’envoyer un travail sans coquilles et des chiffres surs. Ensuite débrouillard car le stagiaire doit être capable de juger si ce qu’on lui demande de faire est faisable. Par exemple, un jour on m’avait demandé de faire une recherche d’un chiffre et au bout d’une heure je me suis rendue compte que cette information était introuvable car elle n’existait pas, le rôle du stagiaire c’est de prendre son courage à deux mains et d’aller en parler avec l’analyste plutôt que de perdre du temps, il faut prendre des initiatives. Finalement le point le plus important c’est que le stagiaire soit agréable, c’est à dire qu’a niveau égal, on préfèrera le stagiaire qui est souriant, disponible et aimable à 2-3 h du matin.
Camille : La première chose c’est qu’il faut être extrêmement rigoureux, rendre des travaux impeccables, s’imposer une vraie discipline en autonomie. Deuxièmement, il faut être à 100% dans son boulot pour être capable de faire la petite chose en plus qu’on ne t’a pas demandé et qui fera la différence : rester 1 h de plus pour faire une recherche en plus ou arriver avant tout le monde le matin pour prendre de l’avance. Et dernièrement, il faut aimer le métier. On travaille beaucoup, il y a peu de moments dans la journée où l’on peut souffler, il ne faut pas se laisser déborder : toujours être à jour, ce n’est pas parce que l’on n’a rien à faire qu’il ne faut pas prendre de l’avance et à l’inverse lorsque l’on est débordé, il faut être capable de dire à un donneur d’ordre qu’on a une autre deadline.
Aurélien : La première qualité à avoir selon moi c’est la curiosité car en tant que stagiaire on est souvent amené à exécuter des tâches et si on n’est pas curieux, le travail devient de moins en moins intéressant, la progression ralentie de manière exponentielle et les personnes avec qui l’on travaille peuvent vite se rendre compte du manque d’intérêt du stagiaire et donc lui donner des tâches moins importantes. Nous ne sommes pas uniquement là pour faire des slides, si on pose des questions, les analystes nous font davantage confiance car ils nous sentent impliqués. Le deuxième conseil est d’être proactif. Au vu de la charge de travail, le temps est compté, et si l’on peut permettre à son analyste et à soi-même de gagner une heure dans sa journée en prenant de l’avance ou en commençant une tâche qu’il ne nous a pas encore demandé de faire, c’est valorisant et ça permet au stagiaire de gagner la confiance de ses pairs. Cependant, c’est une qualité qui vient avec le temps car sur un premier stage en M&A, on ne connaît pas très bien les process et on a besoin d’être guidé mais avec l’expérience, on peut mieux anticiper et sentir les choses. Enfin, je pense qu’il faut une certaine capacité de travail. En effet, les heures sont longues, la charge de travail peut-être très élevée et si l’on n’est pas capable de rester concentré 15 heures de suite, je pense que ça peut être compliqué.
Quels conseils donnerais-tu aux futurs stagiaires en M&A ?
Andrea : Je pense qu’il faut prendre les bons réflexes dès le début : imprimer ses sources, prendre les devants, être très poli, être très carré dans les mails, donner une bonne première impression, se montrer souriant et avenant et motivé. Il faut surtout ne jamais se reposer sur ses lauriers, et surtout rester humble. Ce qui a été particulièrement marquant pour moi, c’est que chez Rothschild j’étais dans une promo de rockstars et du coup ça me permettait de garder les pieds sur terre car je savais que j’avais tout à prouver.
Camille : Au début de son stage, il faut se forcer à prendre les bonnes habitudes sans attendre : apprendre rapidement les raccourcis clavier, tenir au courant ses donneurs d’ordre, prendre des notes, écouter. Au début ça prend du temps et de l’énergie, on emmagasine une importante quantité d’informations dans un laps de temps très court mais il faut prendre le pli pour pouvoir par la suite gagner du temps avec les automatismes acquis. Le deuxième conseil que je donnerais c’est d’être très organisé : il faut être très carré dans la prise de notes, bien comprendre ce que l’on nous demande, gérer ses deadlines et surtout communiquer, ne pas hésiter au début du stage à dire « je n’ai pas compris, vous pouvez me réexpliquer » car il n’y a rien de pire que de revenir à son bureau sans avoir compris ce que l’on devait faire.
Aurélien : Premier conseil sans hésiter : le networking, que ce soit par curiosité pour le milieu ou pour se faire des contacts. C’est quelque chose de beaucoup trop sous-estimé je pense. Personnellement, j’ai commencé quand j’étais en deuxième année d’école de commerce et ça m’a permis d’avoir beaucoup plus de facilités lorsque j’ai commencé à chercher des stages. Le deuxième conseil que je donnerais c’est de s’intéresser au monde de la finance : lire des articles de presse économique, des études de marchés, s’intéresser aux différentes sociétés, et pas seulement Hermès ou LVMH mais aussi les petites ou les moins connues ou reconnues, qui constituent le tissu économique. Cela permet d’avoir une certaine connaissance du marché bien utile car en entretien ça peut jouer énormément.
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Quel est ton ressenti sur cette expérience ?
Andrea : A titre personnel j’ai adoré ma césure en M&A. C’était très fatigant, j’étais vraiment épuisé à la fin mais j’ai rencontré des gens brillantissimes, j’ai vu ce que c’était la réalité du monde professionnel, j’ai travaillé sur des dossiers passionnants, j’ai vu que c’était challengeant mais pas surhumain. Finalement j’ai adoré l’ambiance : le M&A c’est une école accompagnée d’un prestige énorme. Je me projette vraiment dans ce métier car il est en perpétuel mouvement et à mesure que l’on va progresser dans la hiérarchie, le métier va devenir de plus en plus commercial.
Camille : Que du positif et c’est pour cela que je me vois poursuivre ma carrière en M&A. J’ai énormément appris, que ce soit sur la méthodologie, le métier ou l’industrie, je suis toujours très stimulée au quotidien. Je pense aussi que c’est l’équipe qui fait tout, une bonne ambiance est vraiment primordiale dans un environnement aussi exigeant que celui de la banque d’affaires. C’est aussi un stage très responsabilisant car je travaille avec des Associates, VP, Director et même parfois des Partners, la proximité avec le top management est très enrichissante.
Aurélien : J’ai adoré. DC Advisory a une vraie culture d’entreprise, les personnes qui y travaillent sont bienveillantes et vraiment très sympas. J’y ai passé de très bons moments, que ce soit tard le soir quand la deadline est à 9h00 le lendemain ou en soirée avec eux. Je me suis vraiment beaucoup amusé et épanoui. En ce qui concerne le travail, je trouve avoir eu énormément d’exposition, ce qu’on ne peut pas ou plus retrouver dans la plupart des grandes banques de la place parisienne car les stagiaires doivent partir à 20h ou 22h. On m’a donné beaucoup de responsabilités, ce qui m’a permis d’apprendre et de comprendre beaucoup plus de choses, que ce soit en matière de process ou de technicité, que lors de mes précédents stages. Je le recommande vivement à quiconque souhaitant s’investir et apprendre.
Alessandra Petiot, étudiante à Dauphine et contributrice du blog AlumnEye