L’inspection générale en banque attire chaque année davantage de candidats. Avec un processus de recrutement très sélectif, ce « Graduate Program » des banques françaises permet aux heureux élus de découvrir de nombreux métiers grâce aux diverses missions proposées et de se laisser plus de temps pour « choisir leur voie ». Ce programme, qui dure de 3 à 9 ans, voué à se développer dans les établissements bancaires, sert à identifier et former les cadres dirigeants de demain. Aujourd’hui, bien qu’elle soit un corps de métier ancien (l’IG de la Société Générale a été créée en 1868), elle occupe une place capitale depuis la crise de 2008, au sein des établissements financiers qui doivent répondre aux exigences grandissantes de la BCE.
Quid de l’inspection générale en banque ? En quoi consiste-t-elle ?
Les inspecteurs des banques, souvent qualifiés « d’unité d’élite », jouent un rôle primordial au sein d’une entité bancaire. En effet, ils sont chargés d’évaluer les risques opérationnels, de crédit, de marché, structurels ainsi que la conformité des différents métiers inhérents à la banque : banque de proximité, banque de financement et d’investissement, gestion d’actifs ou encore assurance. Ces inspecteurs, sont le garant de la bonne maîtrise des risques et du respect des exigences réglementaires auxquelles sont soumises les banques, tout en constituant une entité indépendante de toute autre Business ou Service Unit, rattachée directement à la Direction Générale. Fort de sa vision globale, l’inspecteur est amené à émettre des recommandations auprès des entités auditées (« vérifiées »), pour renforcer leur gestion en identifiant les risques et les opportunités. Il peut par exemple proposer des formations, de nouvelles méthodes de travail, des outils dans un objectif d’amélioration continue des processus et de l’efficacité opérationnelle. Ces propositions font partie du « rapport de mission », rédigé avec grande précision à la fin des travaux. Un exemple de mission d’inspection célèbre, la fameuse « MISSION GREEN », nom de code pour la fraude Jérôme Kerviel, est publique et disponible en ligne. Cette fraude de 4,82 milliards d’euros a été annoncée par le président de la Société Générale de l’époque, Daniel Bouton, le 24 janvier 2008. Elle serait due à Jérôme Kerviel, ex-trader à la SG, qui a créé « une entreprise dans l’entreprise » et a pris des positions secrètes qui, lorsqu’elles ont été liquidées, ont engendré ces pertes. Le 5 octobre 2010, Jérôme Kerviel est condamné à cinq ans de prison, dont deux ans de sursis et à des dommages et intérêt dus à la SG.
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Des missions variées, très riches et formatrices
Les missions de l’IG peuvent être transversales, spécifiques ou réglementaires, elles changent environ tous les 6 mois et permettent de travailler à chaque fois sur de nouvelles problématiques dans différents contextes. Celles-ci peuvent par exemple aussi bien porter sur la stratégie que le processus de production bancaire, l’ALM et les risques financiers ou le développement commercial. Elles se déroulent en France et à l’international (40% du temps à la SG) et impliquent donc de nombreux déplacements en région et à l’étranger, c’est pourquoi être mobile est un prérequis. Les missions sont ponctuées de temps d’échanges entre les inspecteurs et cadres dirigeants, de formations, permettant à l’inspecteur de prendre du recul et de se remettre en question. Elles se déroulent en équipe de 3 à 15 inspecteurs qui peuvent être épaulés par l’audit interne, des « inspecteurs IT » (en fonction des banques) et peuvent également être conduites avec des inspecteurs de la BCE sur des missions du régulateur.
Des programmes qui recrutent régulièrement
Les banques telles que la BPCE, la Société Générale, le Crédit Agricole et la Banque Postale organisent des concours chaque année pour une trentaine de postes à pourvoir à destination des sorties d’école. HSBC et Edmond de Rothschild embauchent quant à elles en continu sur l’année, avec un processus de recrutement plus classique et s’adressent à des inspecteurs ayant quelques années d’expérience dans une autre banque. Les Inspecteurs de Rothschild ont très souvent déjà 3 ans d’expérience chez BPCE ou à la SG par exemple. En ce qui concerne la BNP Paribas, il est impossible de candidater lorsqu’on est externe – avoir une expérience au sein du groupe est une condition sine qua non.
Les processus de recrutement diffèrent en fonction des banques et sont globalement longs, de 3 mois à presque 1 an. Ils sont composés d’entretiens de « fit », d’épreuves écrites et de mises en situation de groupe. Certains groupes bancaires proposent différentes filières d’inspection. Par exemple, à la BPCE, il y a trois filières : bancaire (qui consiste en un audit sur divers aspects du fonctionnement d’un établissement financier), informatique (qui se concentre sur l’audit des systèmes d’information, le développement, l’architecture, la sécurité), quantitative pour des sujets plus techniques d’audit des modèles. Au Crédit Agricole, il y en a deux : l’Inspection Banque de Détail et l’Inspection Banque de Financement et d’Investissement.
Comment intégrer l’inspection générale ?
Etiquetée parcours d’excellence, l’inspection générale requiert une forte résistance à un rythme de travail soutenu, une aisance orale pour la présentation des rapports d’inspection à la Direction de l’entité « vérifiée » et parfois même à la Direction Générale de la Banque, une certaine mobilité et surtout le goût du challenge. Ce poste permet d’acquérir une vision transversale des différents métiers mais aussi de réelles compétences, pas seulement en matière d’audit, utiles tout au long d’une carrière professionnelle : capacité d’analyse, de synthèse, de résolution de problème, d’écoute, d’adaptation, de respect des délais, culture de l’exigence, sens du travail en équipe, qualités relationnelles, managériales et de communication autant à l’écrit qu’à l’oral.
Pour intégrer l’IG de la SG, de la BPCE, du Crédit Agricole ou de la Banque Postale, il faut postuler sur le site internet, passer un concours d’entrée ouvert aux diplômés d’écoles de commerce, d’ingénieurs, d’institut d’études politiques, de cycle universitaire en France ou à l’étranger. Le processus comporte trois grands axes répartis sur des Assessment Centers : des épreuves écrites avec un cas stratégique et financier, des tests de logique, une synthèse de texte, une épreuve d’anglais ; des épreuves orales avec un entretien RH, un entretien avec des inspecteurs en poste, une mise en situation de Groupe et/ou un Escape Game (à la SG). Enfin, l’épreuve ultime est le « Grand Oral » : le candidat se présente devant un jury composé de membres du Comex (comité exécutif qui rassemble les principaux dirigeants) et du Codir (comité de direction ouvert à des cadres et managers de différents niveaux, ayant pour objectif de donner au groupe une direction stratégique globale) lors duquel il peut présenter un sujet d’actualité ou encore de culture générale, ces épreuves variant toutefois en fonction des banques. A la fin du processus de sélection, seulement 2% des CV reçus réussissent à obtenir le poste, pour une intégration en janvier de l’année suivante à la BPCE. En ce qui concerne les entretiens de l’Inspection chez Rothschild ou HSBC, ils sont assez classiques et similaires à ceux du Consulting, avec des études de cas et des entretiens de motivation. Toutefois, ce mode de recrutement est destiné aux inspecteurs expérimentés.
A propos des dates de candidatures, elles varient en fonction des banques mais il faut se renseigner à l’avance car le processus est relativement long et encadré. BPCE organise deux campagnes de recrutement chaque année. Pour la deuxième, cette année, il faut être sélectionné avant le 15 septembre pour passer des épreuves écrites jusqu’au 15 octobre. La première quinzaine de novembre est dédiée aux épreuves orales et c’est au début du mois de décembre que se déroule le Grand Oral pour une intégration en Janvier 2021. En ce qui concerne la SG, cette année, il faut s’inscrire en ligne entre le 1er septembre et le 30 novembre pour passer les tests en ligne en décembre. Le candidat sera convoqué à l’Assessment Center en Janvier 2021, son grand oral se déroulera entre fin janvier et le mois de février pour signer le contrat ou une promesse d’embauche en mars 2021. Le nouvel inspecteur pourra intégrer le service en septembre 2021 ou en Janvier 2022.
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Un environnement stimulant et une évolution rapide au sein de l’inspection générale
Un parcours à l’IG dure en général de 3 à 9 ans, ce qui permet à l’inspecteur de connaître tous les rouages des institutions bancaires mais aussi d’acquérir des compétences recherchées par les recruteurs. Durant ses trois premières années, l’Inspecteur est sous la supervision d’un chef de mission et sera affecté à des sujets précis de travaux desquels il devra devenir « spécialiste ». L’Inspecteur peut, dès son entrée à l’inspection, mener des entretiens seul avec les audités, être en autonomie sur plusieurs sujets et avoir beaucoup de responsabilités. Après 3 ans, l’inspecteur devient « chef de mission », ce qui lui enlèvera une part des travaux réservés aux juniors sur les missions mais le challengera dans l’organisation de la mission, la compréhension de la portée globale de cette dernière et la restitution des préconisations à la direction de l’entité. A la fin de ses trois années en tant que chef de mission, il peut passer Inspecteur Principal, auquel cas il aura à charge l’organisation de tout le département de l’inspection mais également la supervision de plusieurs chefs de missions.
L’inspection générale : un accélérateur de carrière ?
Pour garantir son indépendance, l’IG est directement rattachée à la direction, ce qui permet aux nouvelles recrues
d’être visibles des plus hautes instances et de multiplier leurs opportunités de carrière. Ainsi, après un parcours à l’IG, un inspecteur peut aspirer à des métiers à hautes responsabilités dans différents domaines : finance et stratégie, risques, contrôle et engagements, marketing, finance de marché… Les inspecteurs peuvent se diriger
en Support (Compliance, Risk, Middle Office) ou en Front Office (M&A, Trading) selon CA-CIB. Le Front Office reste toutefois un débouché rare pour les inspecteurs, ces derniers restant souvent dans des postes de management. Nombreux sont les Inspecteurs qui, une fois leur parcours à l’IG fini, se tournent vers un poste de directeur de cabinet d’un membre du Codir ou encore des postes de COO d’une entité pour rester à des postes de direction sans réellement être passés par un poste d’opérationnel. Hors de la banque, un Inspecteur ayant 3 à 6 ans d’expérience peut également prétendre intégrer un top cabinet de conseil en stratégie : McKinsey, BCG, Roland Berger, à condition d’avoir le profil universitaire adéquat. En intégrant l’IG dès sa sortie d’école, un jeune diplômé peut espérer un salaire annuel fixe d’en moyenne 44k, auquel il faut ajouter une part variable (bonus et primes de déplacements). Le salaire annuel fixe peut monter jusqu’à plus de 80k après six ans d’expérience.
Pour attirer plus de candidats dans cette voie, Frédéric Oudéa, Directeur Générale de la Société Générale, intervient régulièrement pour présenter le parcours, communiquant sur 25% des membres du CoDir qui seraient issus de l’Inspection ou en venant en tant que jury à la dernière épreuve : le Grand Oral. A noter également que Fredéric Oudéa organise tous les ans un cocktail de bienvenue aux trente lauréats du concours afin de s’entretenir avec chacun d’eux de façon informelle.
L’IG, entre « voie royale » et humilité, constitue un accélérateur de carrière indéniable. Cette fonction, du fait de sa position généraliste d’une part, et de sa possibilité de spécialisation d’autre part, attire de plus en plus de candidats et commence à se faire connaître auprès des jeunes diplômés. Au vu du durcissement progressif de la règlementation bancaire, elle devrait prendre davantage d’importance et peut-être devenir plus attractive dans l’imaginaire collectif.
Ludivine Charenton, étudiante à l’EDHEC Business School et contributrice du blog AlumnEye
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8 août, 2012